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{
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~L'Air du Temps\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Acte 2\\
(Un salon-living-room chez les Capellan. Ensemble luxueux et moderne. Entr\'ee au fond. Une porte en pan coup\'e \`a gauche donne sur la salle \`a manger. Au lever du rideau, Paulette Capellan, assise, est en train de t\'el\'ephoner.)\\
\\
en pan coup\'e~~~二つの壁の角を切落とした平面\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 1\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Paulette, puis la Bonne.\\
~~~Paulette, (t\'el\'ephonant.) "Oui... oui... je la vois maintenant: c'est celle que tu avais au cocktail de Madame Eschimann... C'est \c{c}a! Eh bien, j'irai, mon chou. A quelle heure les pr\'esente-t-elle, ses robes?... Bon, j'y serai. Mais ce sont bien des soldes, hein?\\
\\
soldes~~~バーゲン、特売品\\
\\
C'est pas du chiqu\'e?... Bon. D'ailleures, on verra bien les prix... Mais oui, \c{c}a va. \c{C}a va m\^eme tr\`es bien dans l'ensemble. Il s'est remis au travail depuis quatre jours; il a pris un mod\`ele. Il a durement \'et\'e touch\'e, tu sais.\\
\\
chiqu\'e~~~気取ること、もったいぶること、いんちき、みせかけ\\
\\
J'ai pu me rendre compte de ce que je suis pour lui, et de ce qu'il est pour moi, naturellement. Oh! tr\`es gentil, g\'en\'ereux... Encore, \c{c}\`a et l\`a, des petites sc\`enes douloureuses ou attendrissantes... (Un long temps.) Je le savais bien... Je dis: je le savais bien, que je faisais une folie... Je le savais m\^eme au moment o\`u je d\'ecidais de la faire... Justement! Puis je sentais que c'\'etait grave, plus \c{c}a devenait irr\'esistible... (Un long temps.) Non, sans douleur: on s'est quitt\'es assez gentiment. Un peu \'emus, bien s\^ur. \c{C}a n'\'etait vraiment pas possible. Nous le sentions tous les deux. L'ivresse, tu sais, ce n'est pas un r\'egime... Et puis pas d'int\'erieur, pas d'ordre, la salle de bain \`a l'\'etage au-dessus, une existence d\'er\'egl\'ee...\\
\\
r\'egime~~~ダイエット\\
d\'er\'egl\'ee~~~変調な\\
\\
Tous les repas au restaurant... Non, il ne gagne encore \`a peu pr\`es rien avec sa sculpture. Sa famille lui evoie des mensualit\'es: juste ce qu'il faut pour un gar\c{c}on. Alors, tu te rends compte, il a commenc\'e par d\'epenser pour moi le peu qu'il pouvait. Et apr\`es c'est moi qui ai d\'epens\'e beaucoup pour nous deux. Tu me connais, j'ai horreur de couper un cheveu en quatre.\\
\\
couper un cheveu en quatre~~~細か過ぎる、細心すぎる\\
\\
(Soupirant.) Enfin je te raconterai tout \c{c}a. Je peux maintenant. \c{C}a me semble d\'ej\`a si loin... Oui, je suis rest\'ee seule ici... Il ne faut pas m'en vouloir, ma ch\'erie, je n'ai vu personne. Je n'aurais pas pu... A part Devilder qui s'occupait de mes affaires. Oh! il a \'et\'e tr\`es chic, vraiment. En somme, c'est lui qui m'a ramen\'e Capellan. Oui... C'est certain... Alors, mon petit chou, \`a demain 4 heures et je te dirai quel jour de la semaine prochaine vous viendrez d\^iner, Th\'eo et toi.\\
\\
Il faut que je demande aux Thomassin quand ils seront libres... Mais non, tu plaisantes. Il faut, au contraire, que tout redevienne comme avant. Il ne s'est rien pass\'e: c'est le mot d'ordre que je donne \`a tous les amis. Tu les vois s'amener chez moi avec une t\^ete de circonstance et des mots pour convalescents?\\
\\
s'amener~~~(俗)来る\\
~~~~~Am\`ene-toi ici.~~ここへ来い\\
~~~~~Voil\`a Jean qui s'am\`ene.~~ほら、ジャンがやってきた。\\
une t\^ete de circonstance~~~うわべを取繕った顔\\
convalescent~~~回復期にある病人\\
\\
\c{C}a serait gentil pour Capellan! Tiens, aujourd'hui, c'est mercredi, le jour de Manesse. Il vient d\'ejeuner pour la premi\`ere fois depuis... (La bonne entre apr\`es avoir frapp\'e et se tient pr\`es de la porte.) Nous avons aussi Devilder et naturellement Robert... Oh! lui, indiff\'erent \`a souhait. Je te quitte, ma ch\'erie, on m'appelle... A demain!... C'est \c{c}a. Amiti\'es \`a Th\'eo."\\
\\
\`a souhait~~~おあつらえ向きに\\
\\
(Elle raccroche le r\'ecepteur et se tourne vers la bonne.)\\
Qu'est-ce que c'est?\\
~~~La Bonne. Monsieur Devilder.\\
~~~Paulette. Qu'il entre, Monsieur Devilder! (Consultant son bracelet-montre.) Mon Dieu, d\'ej\`a midi un quart.\\
(Devilder entre.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 2\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Paulette, Devilder.)\\
~~~Paulette. Bonjour, ami.\\
~~~Devilder. Bonjour, Paulette. (Il lui baise la main, qu'il garde.) Il n'est pas encore l\`a?\\
~~~Paulette. Non. (Devilder l'attire \`a lui et, comme elle d\'etourne la t\^ete, l'embrasse dans le cou.) Soyez raisonnable, voyons! Il ne faut plus!\\
~~~Devilder. Je suis venu de bonne heure avec l'espoir d'\^etre un peu seul avec vous! Je ne vous ai pas vue depuis quinze jours! C'est dur!\\
~~~Paulette, (grondeuse.) Devilder! Si vous continuez \`a parler ainsi, nous devrons rester beaucoup plus de quinze jours sans nous voir et ce sera navrant. Venez vous asseoir! (Elle s'assied et Devilder s'approche pour s'asseoir \`a c\^ot\'e d'elle.) Non, l\`a! (Elle d\'esigne un si\`ege en face d'elle.) Comme si vous ne compreniez pas ce qui s'est pass\'e entre nous!\\
~~~Deviler. Vous le regrettez, ce qui s'est pass\'e?\\
~~~Paulette. Je ne le regretterais que si notre amiti\'e devait en souffrir au lieu de s'en trouver accrue. Je vous en prie, mon cher Devilder, faites en sorte que je puisse me rappeler avec attendrissement le sauveur que vous avez \'et\'e pour moi.\\
~~~Devilder. Le sauveur! C'est dire trop ou trop peu!\\
~~~Paulette. Mais non! Je venais de quitter brusquement ce gar\c{c}on; j'\'etais d\'egris\'ee, accabl\'ee, pleurant tout ce que j'avais perdu, y compris ma folie. J'avais une affreuse sensation de vide et je n'osais appeler personne. J'\'etais \`a la merci du premier venu qui m'e\^ut permis de pleurer sur \'epaule.\\
\\
d\'egris\'ee~~~酔いをさます\\
accabl\'ee~~~打ちひしがれた\\
\\
~~~Devilder. J'ai \'et\'e ce premier venu.\\
~~~Paulette. Tout le contraire, vous \'etiez l'ami, le familier, un peu la coutume retrouv\'ee, un peu d'\'equilibre, de s\'ecurit\'e. Quand j'\'etais gosse et que je venais de tomber, maman me prenait sur ses genoux pour "une c\^aline". En somme, c'est cela que vous avez fait. Dites-vous que ce n'est pas rien, mais comprenez que ce soit sans lendemain.\\
\\
c\^aline~~~甘やかす人\\
ce soit sans lendemain~~~「続きはないの」\\
\\
~~~Devilder. "Une c\^aline"! Paulette! Vous vous \^etes donn\'ee \`a moi. Nous avons \'et\'e...\\
~~~Paulette. Ah! les grands mots! Oui, je me suis abandonn\'ee. C'est sans doute cet abandon-l\`a, si \'etonnant que cela paraisse, qui m'a permis de vous dire enfin que je n'avais pas cess\'e d'aimer Capellan, qu'il fallait tout tenter pour qu'il revienne. Ce que vous avez fait g\'en\'ereusement, mon ami.\\
~~~Devilder. Dans mon esprit, c'\'etait affaire de raison, de bon sens autant que d'affection. Il me paraissait clair que vous ne pouviez pas continuer de vivre ainsi ni l'un ni l'autre. \c{C}a vous diminuait tous les deux \`a vos propres yeux et aux yeux du monde. Oh! bien s\^ur, je savais comme vous demeuriez attach\'ee \`a Capellan malgr\'e tout, mais j'esp\'erais... vous avoir encore un tout petit peu \`a moi...\\
~~~Paulette. Devlider!...\\
~~~Devilder, (l'interrompant.) Vous me l'aviez promis!\\
~~~Paulette. Mais non! dites que vous me l'aviez fait promettre! Et dans quel d\'esarroi! Vous partiez vers Capellan avec ma lettre. C'\'etait si chic! Je vous aurais promis n'importe quoi. Ecoutez, Devilder, j'aurais vu r\'eappara\^itre aujourd'hui celui que vous \'etiez il y a six mois que j'aurais \'et\'e vraiment touch\'ee, vraiment \'emue. Faites qu'il en soit ainsi! Vous d\'ecuplerez ma gratitude et mon amiti\'e!\\
\\
d\'esarroi~~~混乱、狼狽\\
d\'ecuplerez~~~十倍にする\\
\\
~~~Deviler, (r\'esign\'e, dans un soupir.) J'essaierai. Bien que vous ne soyez plus pour moi celle d'il y a six mois, je vous prie de le croire.\\
~~~Paulette. Oh! je le redeviendrai tr\`es vite!\\
~~~Devilder. Paulette! soyez bonne: accordez-moi une derni\`ere entrevue!\\
~~~Paulette. Mais non!\\
~~~Devilder, (\`a mi-voix.) Rien qu'une fois! Pour ma r\'ecompense, et apr\`es...\\
~~~Paulette. Encore heureux que vous ne disiez pas: "Pour ma commission." Vous vous m\'eprenez, cher homme d'affaires! Je ne suis peut-\^etre pas capable de r\'esister \`a un homme dans le moment o\`u il me pla\^it, mais il m'est impossible de payer avec un couchage, f\^ut-ce une dette de reconnaissance!\\
~~~Devilder. Vous \^etes dure! Mon Dieu, je n'ai pas voulu...\\
~~~Paulette, (souriant.) Si, vous avez voulu! Et je ne suis pas si dure! Je viens de vous donner acte que si je vous ai appartenu pendant ces quelques jours...\\
~~~Devilder, (l'interrompant.) Ces quelques semaines...\\
~~~Paulette, (poursuivant.) ... ce fut sans contrainte ni calcul d'aucune sorte. (Sur un ton plus grave.) Il ne saurait exister pour moi, aujourd'hui, d'autre homme que mon mari. Je l'aime et je l'ai assez fait souffrir.\\
\\
contrainte~~~強制\\
\\
~~~Devilder. Moi aussi, je l'aime; autant que je l'admire. Et je l'ai prouv\'e.\\
~~~Paulette, (avec une pointe d'ironie.) Certes... Alors, amis?\\
~~~Devilder, (docile.) Amis; mais vous savez, Paulette...\\
~~~Paulette, (l'interrompant.) Chut! Embrassez-moi une derni\`ere fois. (Elle pointe son index vers sa joue.) L\`a! (Il l'embrasse docilement; elle lui rend son baiser.) Et maintenant parlons d'autre chose.\\
~~~Devilder. Au fait, oui, pendant que nous sommes encore seuls, nous pouvons liquider notre affaire.\\
~~~Paulette. Quoi? La petite bacchante?\\
\\
bacchante~~~バッカントと発音~~~バッカス神の巫女\\
\\
~~~Devilder. Oui. Les bronzes sont arriv\'es \`a Tokio et j'ai touch\'e les fonds. J'ai apport\'e votre part et celle de Robert.\\
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fonds~~~現金\\
\\
~~~Paulette, (avec int\'er\^et.) Ah! celle de Robert, vous pourrez la lui remettre vous-m\^eme ici, tout \`a l'heure, s'il arrive avant son p\`ere.\\
~~~Devilder. C'est cela. Sinon je lui dirai de passer \`a la galerie. Tenez, Paulette, voici une enveloppe qui contient votre part en esp\`eces.\\
\\
en esp\`eces~~~現金で\\
\\
~~~Paulette, (prenant l'enveloppe.) Merci! Vous avez bien d\'efalqu\'e, comme convenu, les trois billets que vous m'aviez avanc\'es?\\
\\
d\'efalqu\'e~~~差引く\\
\\
~~~Devilder. C'est fait, puisque vous l'exigiez...\\
~~~Paulette. Mais comment donc!\\
~~~Devilder. Vous trouverez d'ailleurs une petite note... Tenez, voulez-vous me permettre, je vais vous expliquer. J'ai inscrit uniquement des chiffres sans indiquer ce qu'il repr\'esentent. (Il reprend l'enveloppe, l'ouvre et en tire une fiche qu'il montre \`a Paulette.) \c{C}a, c'est le prix de vente des quatre \'epreuves: 32.000, dont un tiers pour vous: 10.660 francs. \c{C}a, votre part des frais: prix de la fonte, frais d'exp\'edition, d'assurance, etc. Voil\`a donc les 3.000 en question et le total \`a d\'eduire de votre part. Il reste donc ceci. C'est encore gentil.\\
\\
fonte~~~鋳鉄\\
\\
~~~Paulette. Oui. Merci!\\
~~~Devilder. Inutile de vous rappeler qu'il faut garder sur cette affaire le secret absolu.\\
~~~Paulette. Vous pensez!\\
~~~Devilder. Vous ne devriez pas conserver ce petit papier. Il n'a de signification que pour nous, mais il pourrait intriguer Capellan.\\
\\
intriguer~~~興味をそそらせる\\
\\
(Paulette d\'echire la fiche, cherche en vain o\`u jetter les moreaux, puis les fourre dans la poche de Devilder.)\\
~~~Paulette. Tenez! comme \c{c}a!\\
~~~Devilder. Parfait.\\
~~~Paulette. Quant \`a cet argent, je vais le mettre en lieu s\^ur. Vous permettez? (Elle se dirige vers la porte du fond. A ce moment, l'on entend le bruit d'une sonnerie.) Zut! on a sonn\'e! (Elle revient sur ses pas apr\`es avoir gliss\'e l'enveloppe pli\'ee dans son sac et va prendre sur un petit meuble une bo\^ite de cigarettes.) Une cigarette?\\
~~~Devilder. Merci, je pr\'ef\`ere les miennes.\\
(Tandis que tous les deux allument une cigarette, on frappe.)\\
~~~Paulette. Entrez!\\
(Entre Robert.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 3\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Les m\^emes, Robert.)\\
~~~Devilder. Justement...\\
~~~Robert. M'sieur-dame... (Il va baiser la main de Paulette et serrer celle de Devilder.) Pourquoi "justement"?\\
~~~Devilder. J'achevais de r\'egler avec Paulette notre petite affaire de la bacchante. Je vais pouvoir en faire autant avec toi.\\
~~~Robert, (exultant.) Je vais palper?\\
\\
palper~~~金を手にする\\
\\
~~~Devilder, (sortant de sa poche une enveloppe.) Oui, tiens, voil\`a ta part.\\
~~~Paulette. Je reviens. D\'ep\^echez-vous.\\
(Elle sort, emportant son sac.)\\
~~~Devilder, (ouvrant l'enveloppe.) Tu vois, j'ai joint une petite note. (Il indique du doigt sur la note.) Le tiers qui te revient. J'ai d\'eduit un tiers des frais: fondeur, exp\'edition, assurance, et les 1.800 francs que tu me dois.\\
~~~Robert. Tr\`es juste. (S'\'emerveillant.) Ah! dites donc! 8.300!\\
~~~Devilder, (lui tendant l'enveloppe.) Ils y sont, tu peux v\'erifier.\\
~~~Rober, (fourrant l'enveloppe dans sa poche revolver.) Merci, \^ame charitable! C'est magnifique... Mais, vous allez dire que je radote, il n'y a aucun danger que mon p\`ere apprenne un jour... ?\\
\\
radote~~~脈絡のないたわいのないことを言う\\
\\
~~~Devilder. Non! tu penses bien que sans \c{c}a... ! D'abord ces \'epreuves ont \'et\'e fondues ailleurs qu'en France.\\
~~~Rober. O\`u \c{c}a?\\
~~~Devilder. Tu n'as m\^eme pas besoin de le savoir. Le fondeur... (Paulette revient et Deviler s'interrompt un instant) le fondeur ignore de quoi il s'agit. Je lui ai confi\'e ce travail \`a titre d'essai. Les quatre petites bacchantes sont all\'ees se perdre au Japon. C'est bien loin, bien grouillant. Elles dispara\^itront fatelement dans un tremblement de terre.\\
\\
grouillant~~~混雑している、ひしめく\\
\\
~~~Paulette, (inqui\`ete.) Et si tout de m\^eme, par miracle... ?\\
~~~Devilder. ... on apprenait ici l'existence de l'une d'elles? Est-ce que l'une des trois \'epreuves du tirage unique, apr\`es plusieurs ventes successives, ne pourrait pas se trouver au Japon? Et, si m\^eme on d\'ecouvrait un jour, disons la supercherie, impossible de trouver l'origine de ces \'epreuves. Vous pensez bien que j'ai pris mes pr\'ecautions. Sans compter que je serais le premier et sans doute le seul \`a faire une enqu\^ete. Et puis j'ai eu chez moi des employ\'es, des vendeurs... La bacchante a figur\'e dans plusieurs expositions. On a pu prendre des moulages.\\
\\
supercherie~~~詐欺、いんちき\\
moulages~~~鋳造\\
\\
~~~Paulette, (se rassurant.) Oui. Vous comprenez, ce qui rendrait la chose affreuse, impardonnable, ce serait que Capellan e\^ut connaissance de ce que nous avons fait.\\
~~~Robert. Bien s\^ur: c'est seulement s'il l'apprenait que \c{c}a deviendrait r\'eellement d\'ego\^utant.\\
~~~Devilder. Aussi bien, je consid\`ere comme un devoir sacr\'e de faire en sorte qu'il ne l'apprenne jamais.\\
~~~Paulette. C'est d\'ej\`a un peu moche en soi de le tromper, de le piller, mon pauvre grand! Si vous m'aviez propos\'e cette combinaison depuis son retour, je n'aurais pas march\'e. Ah! non!\\
\\
moche~~~下劣な\\
piller~~~略奪する\\
\\
~~~Robert. D'ailleurs, elle n'aurait pas \'et\'e possible.\\
~~~Devilder. Permettez, Paulette, vous ne le pillez pas! En admettant que vous l\'esiez quelqu'un dans cette affaire, ce n'est pas lui, mais les d\'etenteurs des trois \'epreuves originales. Et m\^eme, au fond, dans quelle mesure sont-ils l\'es\'es? Ils sont fiers de poss\'eder un bronze dont il n'existe que trois \'epeuves. D\`es l'instant qu'ils en demeurent persuad\'es, tout est bien. Le fait d'ailleurs demeure exact pour l'Europe. L'Asie... c'est un autre monde. Si je pouvais \'ecouler cinquante \'epreuves dans la lune, je n'h\'esiterais pas. La seule chose qui compte vraiment, c'est la valeur artistique.\\
\\
l\'esiez~~~侵害する、損害を与える\\
d\'etenteurs~~~保持者\\
\'ecouler~~~さばく、売りに出す\\
\\
~~~Paulette. Il y a tout de m\^eme un fait certain, c'est que Capellan ne profite en rien de l'op\'eration.\\
~~~Devilder. Mais si!\\
~~~Robert, (ironique.) Comment! \c{c}a diffuse un peu plus son oeuvre...\\
~~~Devilder. En dehors de cela: cet argent que je vous avais pr\^et\'e \`a tous le deux...\\
~~~Paulette, (d\'esignant Robert.) Ah! \`a lui aussi?\\
~~~Robert. Naturellement, voyons.\\
~~~Devilder, (poursuivant.) ... cet argent, en fin de compte, ce n'est pas vous qui me l'auriez rendu, mais lui.\\
~~~Paulette, (soupirant.) Probablement.\\
~~~Devilder. D'autre part, ch\`ere amie, la somme que je viens de vous remettre, c'est autant que vous n'aurez pas \`a lui demander. Capellan vous trouve un peu d\'epensi\`ere, je vous l'ai dit. Vous avez le moyen de lui montrer que vous l'\^etes moins. Fates-en la remarque vous m\^eme: vous verrez quel plaisir vous lui ferez.\\
~~~Paulette. C'est vrai, \c{c}a! Tiens, \c{c}a diminue mon petit remords.\\
~~~Devilder. Et toi, Robert, tu sais comme il voudrait te voir gagner quleques sous!\\
~~~Robert. Oui, parfaitement! Je vais r\'ehabiliter \`a ses yeux la carri\`ere cin\'ematographique au moins pendant trois mois!\\
\\
r\'ehabiliter~~~名誉を恢復させる\\
\\
~~~Devilder. Voil\`a!\\
~~~Robert. En somme, Devilder, il n'y a que votre part \`a vous dont mon p\`ere ne profitera pas.\\
~~~Paulette, (sur un ton de reproche.) Robert!\\
~~~Devilder, (un peu froiss\'e.) C'est ce qui te trompe, mon petit. Tu sauras que j'ai dix occasions pour une de l'en faire profiter. Crois-tu que j'ai r\'ealis\'e cette petite affaire pour moi? Quand ce commissionnaire m'a demand\'e la bacchante pour le Japon, je pouvais r\'epondre: "Impossible", et proposer quelque autre pi\`ece dont j'ai l'enti\`ere propri\'et\'e. Seulement je me suis rappel\'e qu'il existait ce moule de la bacchante dans l'atelier de ton p\`ere et...\\
\\
moule~~~鋳型\\
\\
~~~Robert. ... que j'avais la clef de l'atelier...\\
~~~Devilder. ... et que \c{c}a vous serait peut-\^etre providentiel \`a Paulette et \`a toi, de toucher quelque billets. \c{C}a aurait \'et\'e vraiment trop b\^ete de...\\
~~~Robert. Bien s\^ur. Vous avez \'et\'e \'epatant.\\
(On sonne.)\\
~~~Paulette, (vivement.) Epatant, Deviler, merci! Et, dites, plus un mot l\`a-dessus?\\
~~~Devilder. Jamais.\\
~~~Robert, (levant la main comme pour pr\^eter serment.) Jamais.\\
~~~Paulette. Il n'est que midi et demi, ce ne doit pas \^etre encore Julien.\\
~~~Robert. C'est le p\`ere Manesse. On va lui passer quelques consignes, \`a cette noix.\\
~~~Devilder. Ah! oui, il faut que...\\
\\
consignes~~~指令、手荷物預かり所\\
noix~~~間抜け\\
\\
(Il est interrompu par Manesse, qui entre, un bouquet imposant \`a la main.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 4\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Les m\^emes, Manesse.\\
~~~Manesse, (\'emu et empress\'e.) Bonjour, mes amis... Bonjour, ma petite Paulette.\\
~~~Paulette. Bonjour, L\'eon! (Elle prend le bouquet.) Oh! merci! Comme vous me g\^atez! Pourquoi?\\
~~~Manesse, (l'embrassant.) Parce que. Bonjour, Devilder. (A Robert.) Bonjour, mon petit.\\
(Poign\'ees de main.)\\
~~~Robert. Bonjour, vieux!\\
~~~Manesse, (retournant \`a Paulette, \`a mi-voix.) Alors? \c{c}a va? \c{c}a va vraiment bien?\\
~~~Paulette. Vraiment bien.\\
~~~Manesse. Ah! mes amis, quel plaisir de se retrouver ici, paisiblement, apr\`es... enfin apr\`es ce morne hiver. Julien n'est pas l\`a?\\
\\
morne~~~陰気な\\
\\
~~~Paulette. Non, pas encore rentr\'e de son atelier. Il travaille, vous savez; il a repris un mod\`ele depuis quelques jours.\\
~~~Manesse. Bravo! Si j'avais su cela, je serais all\'e \`a Montrouge pour le voir un peu seul. D'ailleurs, il est toujours temps.\\
~~~Paulette. Certainement, \c{c}a lui fera plaisir. M\^eme si vous le d\'erangez un peu, je crois que ce sera excellent pour lui. Seulement il faut que je vous recommande une chose, mon petit Manesse.\\
~~~Manesse. Dites!\\
~~~Paulette. Soyez avec lui absolument comme s'il ne s'\'etait rien pass\'e d'anormal depuis six mois.\\
~~~Manesse. Mais il me semble...\\
~~~Paulette, (l'interrompant.) Par exemple, ne faites \`a aucun prix la t\^ete que vous aviez \`a l'instant quand vous \^etes rentr\'e. Avec vous, je ne me g\^ene pas.\\
\\
\`a aucun prix~~~どんな場合でも・・・しない\\
\\
~~~Maness. Mais, mon petit, je vous assure...\\
~~~Paulette. Vous \'etiez un peu \'emu, et alors...\\
~~~Maness. Mais non!\\
~~~Paulette. Ne vous en d\'efendez pas! Devilder! Robert! n'est-ce pas que Manesse, en entrant, paraissait \'emu, impressionn\'e?\\
~~~Robert, (\`a Manesse.) Mon vieux, tu avais l'air de rentrer dans une chambre de grand bless\'e.\\
~~~Devilder. Vous avez m\^eme prononc\'e queques paroles de circonstance.\\
~~~Manesse, (avec humeur.) Ecoutez, si je ne peux pas, moi, la premi\`ere fois que je reviens dans cette maison apr\`es six mois, apr\`es une tornade qui a failli tout emporter, si je ne peux pas exprimer \`a Paulette, \`a Capellan...\\
~~~Devilder. Non!\\
~~~Paulette. Non, mon petit L\'eon, et surtout pas \`a Capellan! Comprenez qu'il faut \'eviter de lui rappeler ce qu'il s'efforce, ce que nous nous effor\c{c}on d'oublier. Il ne faut pas que ses amis aient l'air d'y attacher aucune importance.\\
~~~Manesse. Tout de m\^eme, il sait bien que je n'ai pas pu, moi, rester indiff\'erent \`a...\\
~~~Paulette. Il le sait. \c{C}a suffit! Inutile de le lui manifester m\^eme en t\^ete \`a t\^ete. C'est un grand orgueilleux et un grand pudique. Evitez-lui tout ce qu'il pourrait prendre pour de la compassion.\\
\\
pudique~~~内気な、はにかみやの\\
\\
~~~Devilder. Absolument!\\
~~~Manesse. Il ne s'agit pas de compassion! Au contraire! Quand je le verrai seul, je crois que je pourrai tr\`es bien lui dire que je n'ai jamais pris le d\'epart de Paulette au tragique et qu'au fond il \'etait facile d'en pr\'evoir l'issue! Que je savais tr\`es bien...\\
~~~Paulette. Non! non! Il ne serait pas dupe. Il sait tr\`es bien, lui, que vous ne saviez rien du tout.\\
~~~Devilder. Il est pr\'ef\'erable de s'abstenir de toute allusion, croyez-moi. Ils s'est longuement confess\'e \`a moi quand je suis all\'e le chercher \`a Grand-Br\'eau. Tout lui est amer, irritant, douloureux. Il est comme un \'ecorch\'e.\\
\\
s'abstenir~~~自制する、やめる\\
\'ecorch\'e~~~(動物が)皮を剥がれた、感覚がぴりぴりした\\
\\
~~~Paulette. Plus maintenant.\\
~~~Devilder. Vous n'en savez rien, nous n'en savons rien, ch\`ere amie!\\
~~~Paulette. Tout de m\^eme...\\
~~~Devilder. Il a de l'orgueil et de la puder, vous venez de le dire. Il peut tr\`es bien vous donner le change.\\
~~~Paulette, (inqui\`ete.) Vous croyez?\\
~~~Devilder. Dans une certaine mesure..\\
~~~Paulette, (\`a Manesse.) De toute fa\c{c}on, L\'eon, je suis persuad\'ee---j'en ai fait l'exp\'erience pour mon compte---que ce qui convient le mieux dans un pareil cas, c'est une affectueuse r\'eserve.\\
~~~Devilder. Voil\`a.\\
~~~Paulette. Tenez, L\'eon, vous \^etes un amour de m'avoir offert ces fleurs splendides, mais je pr\'ef\`ere qu'il ne vous ait pas vu entrer avec! Vous aviez l'air de f\^eter le retour de l'\'epouse prodigue! ou de marquer comme un \'ev\'enement la reprise des mercredis. Est-ce que vous m'apportiez des fleurs avant?\\
\\
prodigue~~~放蕩の、浪費家の\\
\\
~~~Manesse. Ah! zut!\\
~~~Paulette, (c\^aline.) Rien de chang\'e, dites! La vie continue! Vous \^etes venu mercredi dernier, l\`a! Ce que je vous en dis, c'est pour lui!\\
\\
c\^aline~~~甘やかす\\
\\
~~~Manesse, (docile.) Bon, bon! entendu!\\
~~~Robert. Moi, je ne lui ai absolument parl\'e de rien. Il peut croire que je me fous de tout, mais \c{c}a le met plus \`a l'aise.\\
~~~Paulette. D'ailleurs, c'est vrai que tu te fous de tout.\\
~~~Robert. Admettons. Je me fous surtout que l'on pense que je me fous de tout.\\
~~~Manesse. Tu ne t'en fous pas tant que \c{c}a.\\
~~~Paulette. Non, il se vante. (Tandis que Manesse parle avec Devilder.) A propos, Robert, ton p\`ere ne t'a pas demand\'e si tu m'avais vue pendant son absence?\\
~~~Robert. Non, pourquoi?\\
~~~Paulette. S'il te le demandait, tu dirais non.\\
~~~Robert. Pourquoi?\\
~~~Paulette. Voyons! il ne comprendrait pas que tu aies pu rester en bons termes avec moi. Dis que tu m'as rencontr\'ee, si tu veux, mais ajoute que je t'ai \'evit\'e ou que tu m'as tourn\'e le dos.\\
~~~Robert. Je veux bien, mais je ne vois pas...\\
~~~Paulette. Oh! tu es idiot. (Elevant la voix.) Alors, dites, avant que Julien arrive: on mange la langouste \`a l'am\'ericaine, on est plut\^ot gais, on parle beaucoup du travail de Capellan, des amis, de la situation politique. Je vous pr\'eviens qu'au caf\'e je vous inviterai \`a un d\^iner pour la semaine prochaine. Il y aura...\\
\\
langouste~~~伊勢海老\\
\\
~~~Devilder, (l'interrompant.) Ah! non, non, ch\`ere amie, ne faites pas \c{c}a, pas encore!\\
~~~Paulette. Ah?\\
~~~Devilder. Attendez un peu. Capellan s'est plaint am\`erement de voir trop de gens et, permettez-moi de vous le dire, de gens qui lui sont \'etrangers, indiff\'erents. Il ne s'agit pas de nous, bien entendu. Songez que la solitude ne lui a pas toujours \'et\'e p\'enible. Songez qu'il d\'eplore de ne voir jamais ici ses vieux compagnons de travail et de lutte, des Burinet, les Chevrillon.\\
~~~Paulette. Pas dr\^oles! Enfin!...\\
~~~Devilder. Surtout, je crois qu'il serait infiniment touch\'e s'il constatait qu'en ce moment vous lui sacrifiez d\'elib\'er\'ement des gens du monde, enfin des gens charmants, mais superficieles, comme les Labb\'e, les Thomassin et les autres.\\
~~~Manesse. Tr\`es juste.\\
~~~Paulette. Vous croyez? Il ne me l'a jamais dit...\\
~~~Devilder. A vous, non, mais \`a moi, l\`a-bas...\\
~~~Paulette. L\`a-bas! Il en revient! Je veux tout de m\^eme le distraire!\\
~~~Devilder. Sortez avec lui, allez au th\'e\^atre, au cin\'ema. Tenez, demandez-lui donc un dimanche matin d'aller avec lui voir les nouvelles salles de sculpture du Louvre. Il sera ravi. Et toi, Robert, informe-toi de son travail! Parle-lui incidemment de l'une de ses oeuvres. Il est persuad\'e que tu te fous de sa sculpture aussi.\\
~~~Robert, (protestant.) Sans blague! je me foutrais plut\^ot de lui que de sa sculpture. La sculpture, c'est la seule chose que je sente, avec le cin\'ema. D'ailleurs...\\
~~~Manesse, (\`a Devilder.) Quand il vous a fait toutes ses confidences, Capellan ne vous a pas dit qu'il me tenait pour le dernier des ballots?\\
\\
ballots~~~馬鹿、うすのろ\\
\\
~~~Devilder, (apr\`es avoir regard\'e Manesse.) Il vous aime beaucoup.\\
~~~Manesse, (attendri.) Je le sais.\\
~~~Devilder. M\^eme je devais vous prier de sa part d'aller le voir avec Chevrillon. Ah! au fait, Manesse, j'oubliais! vous pouvez lui faire une agr\'eable surprise, le d\'elivrer d'une obsession.\\
~~~Manesse. Dites.\\
~~~Devilder. Au moment de passer \`a table, ne chantez plus...\\
~~~Manesse. \textit{Ah! que nos p\`er's \'etaient heureux...?}\\
~~~Devilder. Oui. Il se flattait de ne plus l'entendre dans sa retraite. Entre nous, \c{c}a l'horripile et lui donne le cafard. \c{C}a et la radio.\\
\\
horripile~~~鳥肌を立たせる、苛々させる\\
\\
~~~Paulette. La radio? il l'a fait marcher tous ces jours derniers!\\
~~~Manesse, (assombri.) L'idiot! il aurait bien pu me le dire, que \c{c}a lui donnait le cafard, tout comme \c{c}a me le donne \`a moi-m\^eme.\\
~~~Paulette. Il vous l'a assez dit!\\
~~~Manesse. Il y a la fa\c{c}on de le dire! Il y a le mauvais cafard et le bon cafard, si l'on peut dire; il y a...\\
(On sonne.)\\
~~~Paulette. Le voil\`a!\\
(Chaucun s'efforce de prendre une attitude naturelle.)\\
~~~Robert. Tant mieux, moi, je commence \`a avoir la dent.\\
(Capellan entre.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 5\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Les m\^emes, Capellan.\\
~~~Capellan, (tr\`es diff\'erent de ce qu'il \'etait au premier acte: rajeuni, gai, \'el\'egant.) Mes enfants, je vous fais attendre, excusez-moi!\\
~~~Paulette, (allant \`a lui et tandis qu'il l'embrasse.) Non, tu n'es pas encore en retard, mon ch\'eri.\\
~~~Capellan, (\`a Manesse, lui prenant les mains.) Comment vas-tu, mon petit L\'eon?\\
~~~Manesse. Bien. A toi, inutile de le demander, tu es superbe.\\
~~~Capellan, (\`a Deviler.) Bonjour, Devilder! Enchant\'e que vous soyez venu d\'ejeuner avec nous...\\
~~~Devilder. \c{C}a me fait le plus grand plaisir, cher ami.\\
~~~Capellan, (\`a Robert.) Bonjour, fils!\\
~~~Robert. Bonjour, p\`ere.\\
(Poign\'ee de main.)\\
~~~Devilder. Alors, le mod\`ele?\\
~~~Capellan. Admirable! De la puissance, de la pl\'enitude, et avec \c{c}a une \'el\'egance! J'ai trouv\'e ce matin quelque chose d'\'etonnant: un mouvement... J'ai trouv\'e, c'est-\`a-dire qu'elle me l'a donn\'e sans le vouloir, pendant la pose. C'est toujours ainsi. Quand vous avez un beau mod\`ele qui a de l'aisance dans la nudit\'e, vous n'avez qu'\`a le regarder se mouvoir. J'ai voulu fixer \c{c}a tout de suite, j'en ai mis un s\'erieux coup.\\
\\
pl\'enitude~~~完全さ、充実\\
\\
~~~Manesse. Si j'avais su te trouver ces jours-ci \`a ton atelier, je serais all\'e te voir. Mais j'irai un de ces matins.\\
~~~Capellan. Voil\`a! d\`es qu'on lui dit qu'on a un beau mod\`ele...!\\
~~~Manesse. Mon vieux, tes beaux mod\`eles m'ont toujours d\'e\c{c}u. \c{C}a n'est jamais mon genre.\\
~~~Capellan. Oui, je sais, tu n'aimes que les petis nez retrouss\'es.\\
~~~Manesse. C'est \c{c}a. Je ne vois pas plus loin que le bout de leur nez. (Il rit.) Enfin j'irai te voir. Tu permets?\\
~~~Capellan. Comment donc, vieux brave homme! Ma petite Paulette, pour c\'el\'ebrer cet heureux jour et pour remonter un peu L\'eon qui a l'air bien bas, si tu nous donnais quelque chose \`a boire avant le d\'ejeuner?\\
~~~Robert, (approuvant.) Eh! un petit coaktail maison...\\
~~~Capellan. Avis contraire?\\
~~~Devilder. Un tr\`es petit alors.\\
~~~Manesse. Pour moi, tout ce que l'on voudra.\\
~~~Capellan. Alors, va pour un cocktail, Paulette. Mais fais-le toi-m\^eme, enfant ch\'erie!\\
~~~Paulette. Bien entendu!\\
~~~Capellan, (la regardant gagner la porte du fond.) Quelle jolie robe, madame!\\
~~~Paulette. C'est la tienne, ch\'eri! Je l'\'etrenne aujourd'hui. Tu la d\'ecouvres seulement?\\
\\
\'etrenne~~~初めて使う、おろす\\
\\
~~~Capellan. Oh! mais non! Va!... (Elle lui envoie un baiser et sort.) Dis, Robert, on pourrait essayer d'attraper par la radio quelque musique de qualit\'e?\\
(Robert est en train de faire tourner lentement sur sa st\`ele un bronze de son p\`ere, seule sculpture qui figure dans le salon, et le contemple avec recueillement.)\\
\\
st\`ele~~~(エジプト・ギリシャの文字、模様を彫刻した)石碑\\
\\
~~~Robert, (sans se d\'etacher du bronze.) Tu dis?\\
~~~Capellan. Qu'est-ce que tu fais l\`a?\\
~~~Robert. Je me rince l'oeil. Je cherche \`a retrouver le plus beau profil selon moi... (Arr\^etant le bronze.) Voil\`a!\\
\\
rince~~~水洗いする\\
\\
~~~Capellan. Fais voir. (Il s'approche. Devilder et Manesse le rejoignent.) C'est \c{c}a que tu pr\'er\`eres?\\
~~~Robert. Oui! mais l'\'eclairage peut \^etre encore meilleur. Attends. (Il tourne un peu le plateau de la st\`ele et se d\'eplace d'autant.) Comme \c{c}a.\\
~~~Capellan. Bravo! mon gars! bravo! tu vois juste. C'est le meilleur morceau, et de beaucoup, bien que ce soit le dos.\\
~~~Devilder. Admirable!\\
~~~Manesse. Moi, je trouve \c{c}a aussi bien de tous les c\^ot\'es. Tout de m\^eme, c'est fait pour \^etre vu de face.\\
~~~Robert. Mais non! c'est fait pour qu'on tourne autour.\\
~~~Capellan, (apr\`es avoir pr\'esent\'e la statue de face.) Voil\`a qui est beaucoup moins bon.\\
~~~Robert. C'est moins plein, c'est moins calme et forc\'ement un peu dur sous la lumi\`ere.\\
~~~Capellan. Exactement.\\
~~~Robert. C'est beau tout de m\^eme.\\
~~~Manesse. Fichtre, oui!\\
~~~Capellan, (la main sur l'\'epaule de son fils.) Devilder, voil\`a un gaillard qui sait ce que c'est que la sculpture!\\
~~~Devilder. Comme si j'en avais jamais dout\'e!\\
~~~Capellan. Dis donc, fils, Devilder m'a dit que c'est toi qui as fait les honneurs de ma petite bacchante \`a l'exposition?\\
~~~Robert. Oh! les honneurs! je faisais tourner la st\`ele, comme ici.\\
~~~Capellan. Tu l'aimes la petite bacchante?\\
~~~Robert, (un peu inquiet.) Ben, \'evidemment, pourquoi?\\
~~~Capellan. Alors je te donne le pl\^atre qui figurait \`a l'exposition; j'en ferai remouler un pour moi. (A Devilder) Vous, l'\'editeur, vous n'avez pas \`a rousp\'eter.\\
\\
pl\^atre~~~石膏、プラスター\\
rousp\'eter~~~文句を言う、抗議する\\
\\
~~~Devilder, (rire un peu forc\'e.) Je n'en ai pas la moindre intention.\\
~~~Capellan. Je me suis r\'eserv\'e de tirer quelques moulages en pl\^atre hors commerce.\\
~~~Robert. Mais tu ne crains pas que... ?\\
~~~Capellan. Que quoi? Aucun rapport avec les \'epreuves en bronze. Et tu es mon fils.\\
~~~Manesse. Dis donc, Julien, moi, je suis ton ami. Est-ce que ce serait abuser... ?\\
~~~Capellan. Hum! on fera aussi un moulage pour le vieux L\'eon, \`a condition qu'il ne le fasse pas patiner en imitation bronze.\\
~~~Manesse. Chouette! (A Devilder) Et vous? vous n'en voulez pas un? (D\'esignant Capellan.) C'est sa tourn\'ee.\\
\\
tourn\'ee~~~おごり、旅行\\
\\
~~~Devilder. J'aime mieux vous dire que j'en ai d\'ej\`a fait tirer un pour moi avec celui de l'exposition. Il est dans ma chambre.\\
~~~Capellan, (riant.) Quelle canaille!\\
~~~Paulette, (apparaissant au fond.) Robert! veux-tu venir me casser la glace?\\
~~~Robert. Voil\`a!\\
~~~Capellan, (\`a Paulette.) Alors, mon petit, ce cocktail?\\
~~~Paulette. Il n'y avait plus de gin! On est descendu en chercher. Je vous demande trois minutes.\\
(Elle sort avec Robert.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 6\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Capellan, Manesse, Deviler.\\
~~~Capellan. On aurait pu boire autre chose!\\
(Devilder, Manesse et lui reviennent au premier plan.)\\
~~~Manesse, (\`a Capellan, lui tendant la main.) Merci, mon vieux.\\
~~~Capellan. Hein?\\
~~~Manesse. Pour la petite bacchante!\\
~~~Capellan. Tu plaisantes! Et \`a propos de merci, vieux L\'eon, merci \`a toi pour les deux bonnes lettres que tu m'as envoy\'ees l\`a-bas et auxquelles je n'ai pas r\'epondu. Tu sais, j'\'etais dans un \'etat! Tout m'exasp\'erait. Tu peux demander \`a cet homme-l\`a...\\
(Il d\'esigne Devilder.)\\
~~~Manesse. Chut! on n'en parle plus. Il faut te mettre dans la t\^ete que tu n'as jamais quitt\'e Paris, que je ne t'ai jamais \'ecrit ces lettres forc\'ement maladroites et que je d\'ejeunais ici pas plus tard que mercredi dernier, comme d'habitude.\\
~~~Capellan. Que tu es b\^ete! Si, j'ai quitt\'e Paris spontan\'ement sans penser un instant \`a ce qui pouvait en advenir! Et parlons-en, au contraire! Car je r\'ealise un peu plus chaque jour comme ce d\'epart fut heureux, providentiel!\\
\\
advenir~~~起る\\
~~~Il advient qu'elle tomba malade.~~彼女が突然病気になった\\
~~~Il advient que nous soyons en retard.~~遅刻はありうる\\
\\
~~~Devilder. Pas si fort!\\
~~~Capellan, (sur un ton plus confidentiel.) Supposez que je sois rest\'e ici, dans cette maison, dans cette atmosph\`ere qui est celle de Paulette, dans ce Paris o\`u elle se cachait mal, dans mes habitudes mutil\'ees, eh bien, je n'aurais pas pu tenir! Je n'aurais pas pu m'emp\^echer d'aller un jour ou l'autre rosser ce petit saligaud et de reprendre Paulette, de gr\'e ou de force. Elle m'est n\'ecessaire! J'ai failli faire cela combien de fois, m\^eme \'etant l\`a-bas! Et si je l'avais fait? Imaginez-vous quel enfer? Je ne cesserais pas de me demander si Paulette me serait jamais revenue d'elle-m\^eme. J'en serais encore \`a soup\c{c}onner, \`a craindre, toujours diminu\'e \`a mes propres yeux. C'est bien simple je serais rest\'e cocu! Je suis parti, et c'est elle qui m'a appel\'e! Comment pourrais-je douter d'elle? Comprends-tu, c'est pour me revenir, \`a moi, de tout son \^etre, qu'elle a laiss\'e choir ce joli gar\c{c}on, dans lequel elle n'a pas trouv\'e un homme! Ah! l'\'epreuve a \'et\'e dure, mais quelle victoire! Tu ne peux imaginer la r\'esurrection que \c{c}'a \'et\'e non seulement pour moi, mais pour elle! Naturellement j'ai voulu qu'il ne soit plus jamais question entre Paulette et moi de cette... lamentable fugue. Mais la pauvre petite n'en finit pas de me donner des t\'emoignages de son repentir. Elle a tout fait pour que j'oublie, et c'est moi maintenant qui souhaite de tout mon coeur qu'elle oublie, qu'elle redevienne tout \`a fait d\'etendue, qu'elle reprenne ses relations et ses habitudes.\\
\\
mutil\'ees~~~(手足を)切断する、重傷を負わせる\\
rosser~~~殴りつける\\
saligaud~~~卑怯な奴\\
choir~~~落ちる、倒れる\\
r\'esurrection~~~復活、甦り\\
fugue~~~出奔、遁走、フーガ、遁走曲\\
d\'etendue~~~ゆるんだ、緊張のほぐれた\\
\\
~~~Devilder. C'est l'affaire de quelques semaines.\\
~~~Capellan. Ce qu'il faut, et je vous passe la consigne, c'est demander \`a tous nos amis qu'il n'y ait rien dans leur attitude ou leurs propos qui puisse ressembler \`a une allusion, m\^eme innocente, m\^eme sympathique, vous comrenez?\\
~~~Devilder. Bien entendu.\\
~~~Capellan. Il faut qu'on lui \'epargne tout ce qui pourrait la g\^ener.\\
~~~Manesse. Pour nous, il ne s'est rien pass\'e, il n'y a rien de chang\'e.\\
~~~Capellan. C'est \c{c}a... Vous, Devilder, vous avez \'et\'e d'un d\'evouement, d'une d\'elicatesse...\\
\\
~~~d\'evouement~~~献身\\
\\
~~~Manesse. Ah! voici le cocktail!\\
(Paulette entre, portant un plateau. Robert la suit.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 7\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Les m\^emes, Paulette, Robert.\\
~~~Paulette. Ce n'est pas trop t\^ot, hein?\\
~~~Capellan, (prenant Devilder \`a part.) Dites-moi, il est bien vrai que Paulette vous a rendu ce qu'elle vous a emprunt\'e?\\
~~~Devilder. Je vous l'ai dit!\\
~~~Capellan. S\'erieusement?\\
~~~Devilder. Mais oui, mon cher.\\
~~~Capellan. Parce que nous n'avons \`a nouveau qu'une seule tr\'esorerie et...\\
\\
tr\'esorerie~~~資金、経理課\\
\\
~~~Paulette, (s'approchant avec un verre.) Devilder.\\
~~~Devilder. Merci, ch\`ere amie.\\
~~~Capellan. Et moi?\\
~~~Paulette. Voil\`a, mon ch\'eri. Robert est en train de verser.\\
(Capellan s'approche de la table.)\\
~~~Robert, (\`a Capellan.) Tiens, prends celui-l\`a.\\
(Capellan prend un verre, qu'il offre \`a Paulette, puis en prend un autre pour lui.)\\
~~~Capellan, (tout en d\'egustant.) Alors, fiston, parle-moi un peu de tes affaires. Est-ce que \c{c}a se d\'ecide enfin avec Jean Colliard?\\
~~~Robert, (buvant.) Non... Il cherche toujours des capitaux. Mais, dis donc! j'ai autre chose; tout de suite! Je commence demain!\\
~~~Capellan. Dis-moi \c{c}a, voyons!\\
~~~Robert. J'allais te le dire. Oh! c'est un travil qui n'offre pas grand int\'er\^et en soi. Je tourne les actualit\'es de la mode f\'eminine, des petits trucs de publicit\'e. \c{C}a va me prendre trois ou quatre fois par semaine. Je suis engag\'e et pay\'e au mois.\\
\\
tourne~~~撮影する\\
\\
~~~Capellan. Combien?\\
~~~Robert, (modeste.) Oh!... 2.500...\\
~~~Capellan. Ce n'est pas mal, mon petit! ce n'est pas mal! Dis-toi que tu d\'ebutes. Tu entends \c{c}a, Paulette?\\
~~~Paulette, (vivement.) Oui, oui, bravo!\\
~~~Capellan. Le tout est d'arriver \`a vivre \`a peu pr\`es de son travail.\\
~~~Robert, (prenant de l'assurance.) Et puis, tu comprends, \c{c}a ne m'emp\^eche pas de rester \`a l'aff\^ut. S'il se pr\'esente quelque chose d'important, je laisse tomber. Je me fais remplacer. Dans deux mois je vais peut-\^etre tourner un documentaire sur la p\^eche \`a la truite.\\
~~~Manesse, (\`a Devilder.) Le tout est de pers\'ev\'erer. A son \^age, je gagnais 200 francs par mois chez un commissionnaire en bijouterie moderne. Et j'arrivais \`a placer un mod\`ele de temps en temps, ce qui me permettait de pr\^eter un louis ou deux \`a ce sculpteur de g\'enie. Aujuourd'hui, je fais travailler les autres, j'habite un immeuble dont je suis le propri\'etaire et je suis vice-pr\'esident de...\\
\\
l'aff\^ut~~~待ち伏せの場所\\
\\
~~~Capellan, (l'interrompant.) L\'eon! as-tu fini d'\'etaler toutes tes tares! Nous savons bien qu'au fond tu vaux mieux que \c{c}a!\\
\\
\'etaler~~~陳列する\\
tares~~~(商品などが)傷んだ\\
\\
~~~Manesse, (interloqu\'e.) Mes tares!\\
\\
interloqu\'e~~~呆気にとられて\\
\\
~~~Capellan, (allant \`a lui et le secouant.) Oui, tes tares, vieux Kroumir! Tiens, il faut que je t'embrasse pour tes tares, pour les plus graves, pour les irr\'em\'ediables!\\
(Il l'embrasse.)\\
~~~Manesse. Oh! ne fais pas le malin, tu en as aussi, toi! Alors, tiens!\\
(Il l'embrasse.)\\
~~~Capellan, (d\'esignant Manesse.) Voil\`a un bonhomme! Un jour je lui exp\'edie d'urgence une carte-lettre pour lui demander ce que nous appelions alors une m\'edaille de sauvetage, c'est-\`a-dire une pi\`ece de 100 sous.\\
\\
sauvetage~~~救助\\
\\
~~~Manesse, (confus.) C'est de l'histoire ancienne! Tu ne vas pas... \\
~~~Capellan, (poursuivant.) Le lendemain, \`a mon r\'eveil, je trouve, gliss\'e sous ma porte, un louis envelopp\'e dans du papier avec un petit mot...\\
~~~Manesse, (l'interrompant.) Allons, Julien, \c{c}a n'a aucun int\'er\^et!\\
~~~Capellan. Il \'etait pass\'e quand je dormais encore, n'avait pas voulu me r\'eveiller et s'excusait de ne pouvoir venir un peu plus tard!\\
(Sonnerie de t\'el\'ephone.)\\
~~~Paulette, (allant au t\'el\'ephone.) C'est du Manesse tout pur.\\
~~~Manesse, (\`a Devilder.) Faut vous dire que dans ce temps-l\`a...\\
~~~Paulette, (au t\'el\'ephone, lui faisant signe de taire.) "All\^o!... Comment allez-vous, ma ch\`ere amie? Ah! oui. Je lui ai t\'el\'ephon\'e ce matin et elle m'a dit qu'elle allait vous voir. Oui... oui... Vous \^etes bien gentille. Nous serons en effet ravis de vous avoir. Seulement je m'aper\c{c}ois que je suis absolument oblig\'ee de remettre ce projet \`a un peu plus tard. Excusez-moi! En t\'el\'ephonant \`a Marise, je n'ai plus pens\'e que nous avions d\'ej\`a trois soir\'ees prises la semaine prochaine."\\
~~~Capellan, (sursautant.) Hein?\\
(Paulette, de la main, lui fait signe de se taire.)\\
~~~Paulette. "Et, pour Capellan, en ce moment, c'est le maximum. Il travaille beaucoup, il est matinal et je veux qu'il se couche t\^ot, au moins un jour sur deux. Alors, je crois qu'il est raisonnable de... C'est \c{c}a... Je vous t\'el\'ephone au tout d\'ebut de la semaine et nous pronons un jour ferme. Mais j'esp\`ere vous voir avant... Bon! merci! je ferai tout mon possible. Au revoir, Jeanne. A bient\^ot, de toute fa\c{c}on. Nos amiti\'es \`a Tomassin."\\
~~~Capellan. Ah! c'est Jeanne.\\
~~~Paulette. Oui. Tu comprends, mon ch\'eri, j'ai t\'el\'ephon\'e ce matin \`a Marise, qui a manifest\'e le d\'esir de nous voir. Alors je lui ai dit que nous comptions les avoir \`a d\^iner, elle et Th\'eo. Seulement, comme au fond je n'y tenais pas tellement et ne voulais pas fixer tout de suite un jour, j'ai ajout\'e que nous aurions aussi les Thomassin et que je voulais d'abord les pressentir. Et voil\`a que Marise vient d'en parler \`a Jeanne, qui se pr\'ecipite...\\
~~~Capellan. Dis donc, nous avons trois soir\'ees prises la semaine prochaine?\\
~~~Paulette. Penses-tu! mais nous avons bien le temps d'avoir ces gens...\\
~~~Capellan. Comment! tu n'as pas envie de voir tes amis? Marise est bien gentille...\\
~~~Paulette. Oui, mais Th\'eo, les Thomassin, au fond, ce sont des \^etres si insignifiants, si superficiels, si loin de toi! J'ai l'impression qu'ils t'ennuient.\\
~~~Capellan. Moi? ils m'amusent. Je les prends pour ce qu'ils sont, born\'es, frivoles et charmant. Au fond, il y a tr\`es peu de gens qui soient totalement d\'epourvus d'int\'er\^et et tout d\'epend de ce qu'on veut en faire. Evidemment, si j'acceptais de discuter art avec Thomassin, ce serait une erreur, j'aurais envie de le flanquer par la fen\^etre. Mais, par exemple, il dit des choses tr\`es jolies sur les vins. Et quand Th\'eo parle de ciment arm\'e, on ne pense plus \`a son cr\^ane de lapin.\\
\\
born\'es~~~限られた、狭まった\\
ciment arm\'e~~~鉄筋コンクリート\\
\\
~~~Manesse. Madame Thomassin n'est pas mal.\\
~~~Robert, (sur un ton de protestation.) Oh!...\\
~~~Capellan. Non, elle n'est pas mal. Elle a des yeux en porcelaine! On sent que derri\`ere c'est bouch\'e comme des fausses fen\^etres, mais elle a des bras et des \'epaules! dis, L\'eon? Paulette, mon petit, invite-les! Le plus t\^ot sera le mieux. Qu'on s'amuse un peu. Et puis ce sont des gens qui t'aiment bien.\\
~~~Paulette. Tu peux dire: "Qui nous aiment bien."\\
~~~Capellan. Tu lui ret\'el\'ephoneras \`a la dame! Quoi! nous ne sommes pas en deuil.\\
~~~Paulette. Oh! non!\\
~~~Capellan. Eh bien, il faut le montrer. Sans \c{c}a, les gens finiront par croire que nous avons cass\'e toute la vaisselle et que nous n'arrivons pas \`a la remplacer.\\
~~~Paulette. Alors je les inviterai pour mardi prochain, mais \`a deux conditions.\\
~~~Capellan. Vas-y!\\
~~~Paulette. La premi\`ere, c'est que \c{c}a ne nous emp\^echera pas de sortir un soir ou deux ensemble. Tout seuls! On ira au th\'e\^atre ou au cin\'ema.\\
~~~Capellan, (attendri.) Bien s\^ur, mon amour.\\
~~~Paulette. La seconde, c'est qu'on invitera aussi, mardi, pour ce premier d\^iner...\\
~~~Capellan, (l'interrompant.) Le premier! Dis: "Le prochain!"\\
~~~Paulette. On invitera aussi, naturellement, Devilder et L\'eon, et tes vieux amis: Chevrillon, Burinet.\\
~~~Devilder. \c{C}a, c'est gentil!\\
~~~Capellan. Ah! non, non, erreur! pas de confusion dans les genres! Le p\`ere Burinet serait gauche, intimid\'e, ne dirait pas un mot et ce grand bougre ferait figure de parent pauvre. Quant \`a Chevrillon, vous le connaissez: il absorberait deux ou trois bouteilles et peloterait sa voisine.\\
~~~Paulette. Alors, invitons-les d'abord.\\
~~~Capellan. Non, mon enfant. Ils sont d\'ej\`a venus me voir \`a mon atelier ces jours-ci. Toi, tu n'as encore re\c{c}u aucune de tes amies. C'est ridicule. D'autant que j'ai envie de recevoir des gens, de savoir o\`u ils en sont. Et puis qu'on rigole un peu, bon Dieu! Qu'on travaille et qu'on rigole! dis, L\'eon?\\
~~~Manesse. Oh! personnellement, je me contenterais de rigoler uniquement.\\
~~~La Bonne, (apparaissant \`a la porte de la salle \`a manger, qu'elle ouvre grande.) Madame est servie!\\
~~~Robert. Ah!\\
(Il passe le premier dans la salle \`a manger.)\\
~~~Paulette. Alors, vite \`a table, messieurs! Passez, Devilder.\\
~~~Devilder, (s'effa\c{c}ant.) Apr\`es vous.\\
~~~Manesse. Hum! ce cocktail m'a donn\'e faim.\\
~~~Capellan, (\`a Manesse.) On a dit: "A table." Tu n'entends pas?\\
~~~Manesse. Si, tu vois bien que j'y vais!\\
~~~Capellan. Ecoute, L\'eon, tu me fais de la peine! Tu n'as plus aucun sens de la tradition alors?\\
~~~Manesse. Moi? Pourquoi?\\
~~~Capellan, (se plantant devant lui.) \textit{Ah! que nos p\`er's \'etaient heureux...} Allez, quoi!\\
~~~Manesse, (se d\'ecidant apr\`es une seconde d'h\'esitation.) \textit{... Quand ils \'etaient \`a table!}\\
(Il prend Capellan par le bras et tous les deux entrent dans la salle \`a manger en poursuivant la chanson:)\\
~~~~\textit{Le vin coulait \`a c\^ot\'e d'eux\\
~~~~Et \c{c}a leur \'etait agr\'eable...}\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Rideau.)\\




}
\end{document}