\documentclass[b5paper,12pt]{article}

%\pagestyle{plain}

%%%%%% TEXT START %%%%%%
\begin{document}
\pagestyle{plain}
\setcounter{page}{1}
\oddsidemargin = 1cm
\baselineskip=1cm
{
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~La Belette\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Pi\`ece en un acte de Charles Vildrac \\
\\
l'auteur~~~~~~~~~~~~~Charles Vildrac\\
~~~N\'e en 1882, \`a Paris. Apr\`es avoir publi\'e plusieurs livres de po\`emes et de r\'ecits, Charles Vildrac fait repr\'esenter en 1920, au Vieux-Colombier, sa premi\`ere pi\`ece: \textit{Le Paquebot Tenacity}, ouvrage en quatre courts tableaux o\`u de nombreux critiques virent la promesse d'un renouveau dramatique.\\
~~~Apr\`es \textit{Michel Auclair} (1922), \textit{Madame B\'eliard} (1925), et \textit{P\`elerin} (1926), \textit{La Brouille} triomphe en 1930 \`a la Com\'edie-Fran\c{c}aise: il s'agit seulement d'une querelle entre vieux amis, qui atteint deux familles \'etroitement li\'ees; mais, de ce sujet banal et volontairement d\'epouill\'e de circonstances, ext\'erieures, l'auteur a tir\'e une com\'edie d'une humanit\'e profonde.\\
~~~Autres pi\`eces: \textit{L'Indigent, Le Jardinier de Samos, Trois mois de prison, L'Absence, L'Apprenti libertin, L'Invit\'e de No\"el,} etc..\\
~~~Charles Vidrac est un \'ecrivain probe et sinc\`ere, indiff\'erent aux succ\`es tapageurs; son oeuvre discr\`ete rend constamment un son juste. Il \'etudie l'homme dans la permanence de sa nature, mais il s'efforce de le situer dans la vie moderne. Il met en sc\`ene des personnages d'humble ou m\'ediocre conditon, ouvriers, contrema\^itres, petits industriels, petits bourgeois; et il les pent dans l'intimit\'e de leur existence journali\`ere, mais en un moment de crise o\`u affleurent \`a la conscience les sentiments cach\'es: dans \textit{Paquebot Tenacity}, l'amour r\'ev\`ele \`a eux-m\^emes Bastien et S\'egard; dans \textit{Madame B\'eliard}, l'h\'ero\"ine d\'ecouvre la nuance exacte de la sympathie que lui a inspir\'ee l'ing\'enieur Saulnier en apprenant la passion \'eprouv\'ee pour lui par sa ni\`ece, Madeleine; dans \textit{Le P\`elerin}, la visite d'un oncle, grand voyageur, \'eveille chez Denise, jeune provinciale s\'edentaire, le d\'esir d'aventure et d'\'evasion qui sommeillait en elle \`a son insu; dans \textit{La Brouille}, une dispute absurde et impr\'evue met au jour les petites animosit\'es que recouvre la plus solide affection. En p\'en\'etrant ainsi, \`a l'occasion d'une \'epreuve morale, jusqu'au fond de l'\^ame de ses personnages, Vildrac d\'ec\`ele souvent, \`a c\^ot\'e de sentiments vils ou mesquins, des tr\'esors cach\'es de sensiblit\'e et m\^eme de po\'esie.\\
(Extrait de Castex et Surer, Manuel des Etudes litt\'eraires fran\c{c}aises, 20e si\`ecle (Hachette), p. 121)\\
\\
probe~~~実直な\\
tapageurs~~~人目をひく\\
son~~~響き\\
s\'edentaire~~~出不精の\\
animosit\'es~~~敵意\\
d\'ec\`ele~~~d\'eceler~~~暴く、明るみにだす\\
vils~~~あさましい、卑しい、さもしい\\
mesquins~~~狭量な、けちな\\
\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Personnages\\
RTF France 3\\
Gabriell Cotterel, 55 ans~~~Agn\`es di V\'eraldi\\
H\'el\`ene Aubier, 50 ans~~~Isabelle Anderson\\
Georges Cotterel 60 ans~~~Jean Daguerre\\
\\
RTF Echanges Internationaux:\\
Gabriell Cotterel, 55 ans~~~Anita Soler\\
H\'el\`ene Aubier, 50 ans~~~Marguerite Valmond\\
Georges Cotterel 60 ans~~~Jean Sarment\\
\\
(Diffus\'ee pour la premi\`ere fois par le Poste National France 3 le 22 septembre 1958)\\
\\
Diffus\'ee~~~放送する、配給する\\
\\
(D\'ecor~~~Dans une petite station thermale.\\
Une all\'ee de jardin public, avec son banc vert \`a dossier. Derri\`ere le banc, et \`a peu de distance, un bouquet d'arbres assez \'epais et feullu d\`es le sol, ou un massif de fusains. Sur la table, des journaux, un livre, un sac \`a main, une canne.)\\
\\
station thermale~~~湯治場\\
massif~~~木立、茂み\\
fusain~~~マユミ(属の低木)\\
\\
(Au lever du rideau, Gabrielle est assise sur le banc et, l'un de ses pieds dans un chausson, repose sur une chaise dont le si\`ege a \'et\'e recouvert d'un coussin.)\\
\\
chausson~~~上履、スリッパ\\
si\`ege~~~座席、便座\\
\\
(H\'el\`ene est assise sur une chaise aupr\`es de Gabrielle. Gabrielle est en pull-over et tricote. C'est ce qu'on appelle une ma\^itresse femme, au verbe haut et prompt. H\'el\`ene oppose \`a la vivacit\'e de Gabrielle une voix pos\'ee, une douceur persuasive. El\'egance simple, adapt\'ee au tourisme, chapeau de paille ou bonnet de laine, sur une chevelure argent\'ee.)\\
\\
tricote~~~ニットの、ニットウエアー\\
verbe haut~~~声が大きい、高飛車に物を言う\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 1\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Gabrielle, H\'el\`ene.)\\
~~~Gabrielle. ...Quand je suis fatigu\'ee de lire, je tricote; que je suis fatigu\'ee de tricoter, je lis, et quand j'ai assez de la lecture et du tricot, je ferme les yeux et je pense \`a tout ce que je voudrais faire, \`a tout ce que je ferais si j'\'etais valide.\\
\\
valide~~~健康な\\
\\
~~~H\'el\`ene. Mais vous le ferez, Madame, quand vous serez d\'elivr\'ee de ce rhumatisme.\\
~~~Gabrielle. Ce n'est pas pour demain! Le traitement est absolument sans effet.\\
~~~H\'el\`ene. Depuis quand le suivez-vous?\\
~~~Gabrielle. Depuis d\'ej\`a une longue semaine. On m'avait dit...\\
~~~H\'el\`ene, (l'interrompant.) Oh! Madame, un peu de patience... et de confiance! Mon pauvre mari, que j'ai perdu il y a deux ans, avait fait ici une cure merverilleuse.\\
~~~Gabrielle, (avec un vif int\'er\^et.) Ah!\\
~~~H\'el\`ene. Il souffrait horriblement et depuis des mois d'un rhumatisme \`a l'\'epaule. Il ne pouvait plus bouger le bras.\\
~~~Gabrielle. Et il a \'et\'e gu\'eri?\\
~~~H\'el\`ene. Radicalement. D\`es la fin de la cure, il pouvait se servir de son bras. Un mois apr\`es, toute douleur avait disparu.\\
~~~Gabrielle. Vous me donnez de l'espoir... Et vous, Madame, vous \^etes venue aussi pour...\\
~~~H\'el\`ene. Oh non! je n'ai rien \`a soigner, Dieu merci! J'ai voulu revoir ce pays dont nous avions gard\'e, mon mari et moi, un charmant souvenir. Les environs sont si jolis!\\
~~~Garbielle. Tr\`es bois\'es, n'est-ce pas, d'apr\`es ce que je peux en voir de ma chambre. Nous sommes \`a c\^ot\'e, \`a l'H\^otel des Bains. C'est commode pour le traitement.\\
~~~H\'el\`ene. Oui, je sais. Et il y a une terrase bien agr\'eable.\\
~~~Gabrielle. Mais je lui pr\'ef\`ere ce petit jardin public. J'ai cru d'abord qu'il d\'ependait de l'h\^otel et je m'\'etonnais qu'il n'y v\^int presque jamais personne.\\
~~~H\'el\`ene. Pr\'ecis\'ement, n'y \^etes-vous pas un peu trop seule? Vous devriez vous installer de temps en temps sur la terrasse. Vous y verriez du monde, cela vous distrairait.\\
~~~Gabrielle. Madame, je ne sais si c'est pudeur ou coquetterie, mais j'ai horreur d'exhiber mon impotence.\\
~~~H\'el\`ene. Vous y penseriez moins.\\
~~~Gabrielle. Quand ce pied de malheur fait des siennes et que je renonce \`a venir ici en boitillant, je reste dans ma chambre. Et puis, vous savez, je suis rarement seule. Mon mari me tient compagnie, le pauvre. Je suis oblig\'ee d'insister pour qu'il aille se promener un peu. Hier, il a voulu me faire jouer aux dames; il s'est m\^eme efforc\'e de me faire gagner, mais il n'y est pas parvenu. Je n'ai vraiment aucune disposition pour la strat\'egie... Non, je tiens un roman bien touffu, bien captivant, je ne peux plus le l\^acher.\\
\\
boitillant~~~軽くビッコをひく\\
jouer aux dames~~~チェッカーをする\\
touffu~~~ぎっしり詰った\\
\\
~~~H\'el\`ene. Et moi de m\^eme.\\
~~~Gabrielle. Seulement les romans de qualit\'e sont rares et j'en fais une consommation! Tenez, mon mari est all\'e voir en se promenant s'il pouvait me trouver quelque chose \`a la biblioth\`eque de la gare. Chez le libraire, il n'y a qu'un amas de vieux rossignols.\\
\\
consommation~~~消費\\
amas~~~群、堆積\\
\\
~~~H\'el\`ene. Quel genre de romans pr\'ef\'erez-vous, Madame? Vous avez l\`a un livre. Est-il indiscret de?...\\
~~~Gabrielle, (prenant le livre sur la table et le lui tendant.) Du tout. C'est un livre extraordinaire que je viens de relire: "Les Hauts de Hurlevent".\\
\\
Hurlevent~~~風がフューフューいう\\
\\
~~~H\'el\`ene. Oh! tr\`es beau, en effet.\\
~~~Gabrielle. Je relisais tout \`a l'heure la courte biographie de l'auteur. Courte comme sa vie. On se demande comment une toute jeune fille \'elev\'ee dans le presbyt\`ere de son p\`ere a pu concevoir ce d\'emon amoureux, cet Heathcliff.\\
\\
presbyt\`ere~~~司祭館\\
\\
~~~H\'el\`ene. Oui, cette logique implacable dans la passion.\\
\\
implacable~~~過酷な、宥めがたい\\
\\
~~~Gagbrielle. Oh! cette logique... Moi, je ne comprends pas qu'un \^etre comme Heathcliff n'ait pas enlev\'e tout simplement cette petite Catherine Linton \`a son mari. Voil\`a, Madame, ce qu'il aurait fait dans la vie, et sans h\'esiter. Voil\`a ce que j'attendais \`a tout moment, pr\^ete \`a crier bravo! Mais cela e\^ut, \'evidemment, r\'eduit de trois quarts cette sombre histoire.\\
~~~H\'el\`ene, (souriant.) Nous y aurions beaucoup perdu. Mais je vois, Madame, que vous aimez les romans anglais.\\
~~~Gabrielle. Assez. Ils sont en g\'en\'eral tr\`es bon; on a le temps de s'y enfoncer, de s'y sentir plong\'e dans une atmosph\`ere qui n'est pas celle d'ici.\\
~~~H\'el\`ene. L'atmosph\`ere, oui. Connaissez-vous les romans de Mary Webb?\\
~~~Gabrielle. Je ne vois pas; je ne crois pas.\\
~~~H\'el\`ene. Vous n'avez pas lu "Sarne"?\\
~~~Gabrielle. Non...\\
~~~H\'el\`ene. C'est de premier ordre. Eh bien! je vais vous le pr\^eter. Je l'ai ici.\\
~~~Gabrielle. Oh! Madame...\\
~~~H\'el\`ene. Mais oui; je vais aller vous le chercher. Je suis \`a l'H\^otel des All\'ees, \`a deux pas d'ici. Et vous m'obligerez en gardant ce livre une bonne huitaine, car je vais aller courir un peu la r\'egion.\\
\\
une bonne huitaine~~~一週間ぐらい借りていて下さいませんか?\\
\\
~~~Gabrielle. Vous \^etes vraiment trop aimable, mais je ne veux pas que vous preniez la peine de...\\
~~~H\'el\`ene. Il faut que je rentre \`a l'h\^otel \'ecrire un mot que j'irai mettre \`a la poste aussit\^ot, en passant par ici. C'est mon chemin. Serez-vous encore ici dans un quart d'heure?\\
~~~Gabrielle. Certainement, mais je suis confuse...\\
~~~H\'el\`ene. A tout \`a l'heure, Madame. Au fait, en attendant, je puis vous laisser cette revue (Elle retire une revue de son sac) qui contient quelques curieuses lettres in\'edites de Balzac.\\
~~~Gabrielle. Oh! Merci, Madame. Vous me comblez vraiment.\\
\\
comblez~~~(穴を)埋める、(欲求などを)満たす\\
\\
~~~H\'el\`ene. Je vous en prie. Vous verrez, l'histoire m\^eme de ces lettres est assez savoureuse. Au revoir, Madame. A tout \`a l'heure. Et ne pensez pas \`a votre pied!\\
~~~Gabrielle. Au revoir, Madame, et mille fois merci!\\
(H\'el\`ene sort. Gabrielle, seule, feuillette la revue. Elle y d\'ecouvre et en extrait une carte postale qu'elle examine et replace dans les feullets, puis elle se met \`a lire. Entre Cotterel, la pipe \`a la bouche. Il tient un livre et des journaux.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 2\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Cotterel, Gabrielle.)\\
~~~Cotterel. Alors, Gaby? Comment te sens-tu?\\
~~~Gabrelle. Pas mal pour l'instant.\\
~~~Cotterel (il a pos\'e sa pipe sur la table.) Tiens, voil\`a toute une mar\'ee de litt\'erature: les hebdomadaires de la semaine au complet. J'ai pris aussi un livre: \textit{Les Poulains}, auteur inconnu de moi. Mais j'ai lu l\`a-dessus un compte rendu amusant. Il s'agit des moeurs de la jeunesse acturelle. Dis donc, ton pied n'est pas trop bas? J'avais pli\'e le coussin tout \`a l'heure, il me semble que c'\'etait mieux.\\
\\
mar\'ee~~~潮、押し寄せるもの、大群\\
hebdomadaires de la semaine~~~週刊誌\\
\\
~~~Gabrielle. Oui, Georget, mais \c{c}a ne tenait pas. Je suis mieux ainsi et c'est gr\^ace \`a une dame charmante.\\
~~~Cotterel. Une dame?\\
~~~Gabrielle. Une passante. Elle me quitte \`a l'instant. Il est arriv\'e ceci qu'en voulant d\'eplacer mon pied sur ce coussin pli\'e en deux je l'ai fait tomber par terre et comme je tentais en vain de l'amener \`a port\'ee de ma main, avec ma canne, cette dame est accourue, l'a ramass\'e, a d\'eplac\'e un peu la chaise, m'a soulev\'e le pied, enfin m'a r\'einstall\'ee avec une gentillesse vraiment touchante et avec l'exp\'erience d'une infirmi\`ere. Nous avons bavard\'e un bon moment.\\
\\
accourue~~~駆けつける\\
\\
~~~Cotterel. Une infirmi\`ere?\\
~~~Gabrielle. Non! Mais elle a longtmeps soign\'e son mari, qu'elle a perdu et qui venait ici. C'est une femme tr\`es bien, et la gentillesse m\^eme. Nous avons parl\'e lecture, je lui ai dit que j'en manquais. Alors elle veut me pr\^eter un livre qu'elle est all\'ee chercher. Tiens, elle m'a d\'ej\`a laiss\'e cette revue.\\
~~~Cotterel. Fais voir? (Il prend la revue que lui tend Gabrielle et la feuillette.)\\
~~~Gabrielle. Fais attention, il y a une carte dedans.\\
~~~Cotterel. La voil\`a. (Il examine la carte.) Le pont du Gard...~"Une affectueuse pens\'ee, Micheline."\\
~~~Gabrielle. Indescret!\\
~~~Cotterel. Tu sais bien qu'un rien m'int\'eresse. (Avec un l\'eger trouble.) Dis donc... elle est \`a l'H\^otel des All\'ees, cette dame?\\
~~~Gabrielle. Oui, pourquoi?\\
~~~Cotterel. C'est donc \`a elle que cette carte est adress\'ee.\\
~~~Gabrielle. Bien s\^ur, \`a Mme H\'el\`ene... je ne sais plus comment.\\
~~~Cotterel. H\'el\`ene Aubier. Vous vous \^etes pr\'esent\'ees l'une \`a l'autre?\\
~~~Gabrielle. Ma foi non. J'ai lu son nom sur la carte, mais moi, c'\'etait machinalement. Qu'est-ce qu'il y a, Georget? Tu connais une Madame Aubier? Celle-ci est veuve.\\
~~~Cotterel. Non, non...\\
~~~Gabrielle. Eh bien! tu la conna\^itras.\\
~~~Cotterel. Jeune?\\
~~~Gabrielle. A peu pr\`es de mon \^age. Des cheveux gris, mais encore beaucoup de charme.\\
~~~Cotterel. Quand doit-elle revenir?\\
~~~Gabrielle. Dans un quart d'heure, \`a ce qu'elle m'a dit. Pourquoi?\\
~~~Cotterel. Parce que... Parce qu'il faut que j'aille \`a l'h\^otel chercher ma pipe.\\
~~~Gabrielle. Ta pipe, tu l'as pos\'ee l\`a, tiens, sur la table.\\
~~~Cotterel. Une autre pipe, celle-\`a est bouch\'ee.\\
\\
bouch\'ee~~~詰る\\
\\
~~~Gabrielle. Eh bien! va... Dis donc, prends aussi dans l'armoire mes nougats, que je puisse en offrir \`a cette dame.\\
\\
l'armoire~~~整理箪笥\\
\\
~~~Cotterel, (qui d\'ej\`a partait, se ravisant.) Non, Gabrielle, impossible, je crois d\'ecid\'ement pr\'ef\'erable de te dire que la pipe n'\'etait qu'un pr\'etexte. Je ne veux pas rencontrer Mme H\'el\`ene Aubier.\\
~~~Gabrielle. Ah! Tu la connais!\\
~~~Cotterel. C'est fort probable... S'il s'agit de celle que je crois, je ne l'ai pas vue depuis vingt ans, mais...\\
~~~Gabrelle, (l'interrompant.) Enfin qui est-ce? Une de tes anciennes?...\\
~~~Cotterel. Fais-moi gr\^ace du pluriel. Oui, c'est elle. Apr\`es tout, il vaut mieux que tu le saches, d'autant que cela n'a plus aucune importance.\\
~~~Gabrielle, (brusquement courrouc\'ee.) Comment, ce serait la Belette?\\
\\
courrouc\'ee~~~怒る\\
\\
~~~Cotterel. Oui. Cette demoiselle Belet que dans ton ressentiment et sans la conna\^itre tu afflublais de dents aigu\"es et d'un museau pointu. Aujourd'hui elle n'est plus que Mme veuve Aubier. J'ai re\c{c}u il y a deux ans le faire-part de la mort de son mari.\\
\\
afflublais~~~辞書にない\\
museau~~~鼻面\\
faire-part~~~通知状\\
\\
~~~Gabrielle. La Belette! Par exemple!\\
~~~Cotterel. Voyons, Gabrielle, une telle rencontre n'\'etait sans doute pas souhaitable, mais elle n'a rien de dramatique et t'a au moins permis de constater que Mme Aubier n'a vraiment rien d'une belette.\\
~~~Gabrielle. Il y a des apparences trompeuses.\\
~~~Cotterel. Il y en a qui ne sauraient tromper.\\
~~~Gabriell. Tu admettras tout de m\^eme que les pr\'evenances de cette personne puissent me sembler suspectes.\\
\\
pr\'evenances~~~気がきくこと、心遣い\\
\\
~~~Cotterel. Pourquoi suspectes?\\
~~~Gabreille. Elle ne doit pas ignorer qui je suis. Elle a voulu...\\
~~~Cotterel, (l'interrompant.) Comment saurait-elle qui tu es si tu ne le lui as pas dit?\\
~~~Gabrielle. Beau malin! Comme si elle n'avait pu nous voir ensemble, dans ce trou! Et m\^eme \`a Paris. Si l'envie lui a pris un jour de conna\^itre, d'\'epier la femme de son ex-amant, elle n'a pas eu grand-peine \`a le faire.\\
~~~Cotterel. Je suppose que, jadis, tu as eu, toi, la plus grande envie de savoir comment elle \'etait faite et tu n'y es jamais parvenue.\\
~~~Gabrielle. Comment peux-tu dire cela! Je n'ai jamais eu cette affreuse curiosit\'e.\\
~~~Cotterel. Je jurerais bien qu'elle non plus. En tout cas, si elle nous a vus ensemble, et ce ne pourrait \^etre qu'au seuil de l'h\^otel ou dans ce jardin, enfin si elle sait qui tu es, ses attentions \`a ton \'egard n'en sont que plus touchantes.\\
\\
touchantes~~~ほろりとさせる、感動的な\\
\\
~~~Gabrielle. Ah! J'en suis en effet bien touch\'ee! Autant qu'on peut l'\^etre par la rouerie et l'abus de confiance.\\
\\
rouerie~~~手練手管、したたかさ\\
\\
~~~Cotterel. Gabrielle! S'il y a au monde une personne qui soit incapable...\\
~~~Gabrielle, (l'interrompant.) Ah non! je t'en prie. Epargne-moi son \'eloge! C'est effarant ce que les hommes peuvent \^etre inconscients et maladroits!\\
\\
effarant~~~驚くべき\\
\\
~~~Cotterel. Je n'ai pas assez d'\'epaules \`a hausser. Et je m'en vais. Si Mme Aubier me trouvait ici, ce serait le bouquet!\\
\\
ce serait le bouquet~~~(皮肉に)お見事、最悪だ\\
\\
~~~Gabrielle, (apeur\'ee.) Mais je ne veux pas qu'elle m'y trouve non plus! Aide-moi, rentrons. Allons, vite, prends ta pipe, ces journaux. (Elle met pr\'ecipitamment livre et revue dans son sac.)\\
~~~Cotterel. Non, voyons! Ne t'en va pas! Tu compliquerais tout: elle t'apportera son livre \`a l'h\^otel ou reviendra demain ici.\\
~~~Gabrielle, (qui s'est mise debout.) A l'h\^otel, je ne la recevrai pas et ici je n'y reviendrai plus. Tiens, prends mon coussin.\\
~~~Cotterel. C'est absurde. Je vais te conduire \`a l'h\^otel et je reviendrai, moi. Je lui expliquerai...\\
~~~Gabrielle. Ah non! Mais prends ce coussin! (Elle regarde, inqui\`ete, vers la droite, tandis que Cotterel prend le coussin.) Oh! Mon Dieu! Vite! La voil\`a. Elle traverse l'avenue.\\
~~~Cotterel. Eh bien! nous n'avons plus le temps de dipara\^itre. Avec ton pied, nous ne ferons pas trois m\`etres \`a la minute. (Avec autorit\'e.) Reprends ta place, vite.\\
~~~Gabrielle. Ah! Quelle histoire!\\
~~~Cotterel, (il l'aide \`a se rasseoir et, tout en parlant, replace coussin et pied sur la chaise.) Sors la revue. Et que ce soit de nouveau la dame inconnue qui t'apporte un livre.\\
\\
Sors~~~sortir~~~外へ出す、(人を)連れ出す\\
\\
~~~Gabrielle. Va-t'en, va-t'en!\\
~~~Cotterel. Promets-moi de ne pas lui dire qui tu es.\\
~~~Gabrielle. Mais va-t'en donc!\\
~~~Cotterel. Jure-moi, Gaby, de te comporter comme tout \`a l'heure avec elle. Tu ne sais rien. Vous ne savez rien l'une de l'autre.\\
~~~Gabrielle, (les yeux vers la droite.) Veux-tu t'en aller! La voil\`a!\\
~~~Cotterel. Jure-le-moi! C'est pour toi-m\^eme.\\
~~~Gabrielle, (exc\'ed\'e.) Eh! je le jure, l\`a! Pour que tu disparaisses.\\
\\
exc\'ed\'e~~~苛立つ\\
\\
(Il sort \`a gauche. Gabrielle, qui a pris la revue dans son sac, affecte de lire, non sans \'epier \`a la fois la fuite de son mari, \`a gauche, et l'arriv\'ee d'H\'el\`ene, \`a droite. Apr\`es quelques instans, celle-ci para\^it, un livre \`a la main.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 3\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(H\'el\`ene, Gabrielle.)\\
~~~H\'el\`ene. Eh bien! Madame, comment allez-vous depuis tout \`a l'heure? Ce pied vous laisse-t-il en paix?\\
~~~Gabrielle. Mon pied? Oui, \`a peu pr\`es.\\
~~~H\'el\`ene. Je vous apporte donc ce livre et je souhaite qu'il vous plaise comme il m'a plus.\\
~~~Gabriell, (se dominant mal.) Merci... Merci infiniment, Madame. J'en prendrai le plus grand soin et le ferai d\'eposer \`a votre h\^otel d\`es que je l'aurai lu... et aussi cette revue.\\
~~~H\'el\`ene. Mais pas avant une huitaine, je vous prie, parce que je vais m'absenter.\\
~~~Gabrielle. Quand partez-vous?\\
~~~H\'el\`ene. Peut-\^etre demain, sinon apr\`es-demain. Cela d\'ependra du patron de l'h\^otel qui doit aller \`a Saint-Pierre-de-Viz\`ene et m'y d\'eposer. Je pr\'ef\`ere sa voiture au car bleu qui s'arr\^ete vingt fois sur le parcours.\\
\\
car bleu~~~観光バス?\\
\\
~~~Gabrielle. Evidemment...\\
(Un l\'eger silence.)\\
~~~H\'el\`ene. Vous lisiez ces lettres de Balzac que je vous ai signal\'ees?\\
~~~Gabrielle. Oui... Je commen\c{c}ais \`a peine et, ma foi, j'allais y renoncer, car j'ai, depuis dix minutes, un mal de t\^ete insupportable.\\
~~~H\'el\`ene. Il me semble, en effet, que vous n'\^etes pas \`a votre aise.\\
~~~Gabrielle. Cela m'arrive quand j'ai trop lu, trop cousu.\\
\\
cousu~~~coudre~~~縫う\\
\\
~~~H\'el\`ene. Je connais cela. Eh bien! Madame, je vais vous laisser vous reposer. Il faut fermer les yeux, vous d\'etendre. Peut-\^etre aurai-je le plaisir de vous revoir dans une huitaine et avec un pied vaillant.\\
~~~Gabrielle, (elle tente un sourire et s'incline.) En tout cas, Madame, \`a quel nom devrai-je d\'eposer ce livre \`a l'H\^otel des All\'ees?\\
~~~H\'el\`ene. Au mien, qui figure, voyez, sur la page de garde: Mme H\'el\`ene Aubier.\\
~~~Gabrielle, (v\'erifiant.) Mme H\'el\`ene Aubier, parfait.\\
~~~H\'el\`ene. Au revoir, Madame.\\
~~~Gabrielle, (vivement la retenant.) Mais, au fait, votre nom, je l'ai lu d\'ej\`a tout \`a l'heure et malgr\'e moi sur une carte postale que vous avez laiss\'ee dans cette revue et qu'il faut que je vous remette. Tenez, la voici.\\
~~~H\'el\`ene, (prenant la carte et la mettant dans son sac.) Oh! merci, Madame. Aucune importance! Je me suis servie de cette carte pour couper les pages.\\
~~~Gabrielle. Et je m'excuse de ne m'\^etre pas pr\'esent\'ee, \`a mon tour, mais... mais je crois que vous savez d\'ej\`a qui je suis.\\
~~~H\'el\`ene, (avec un geste \'evasif.) Ma foi, Madame, il me faut bien vous dire que non.\\
~~~Gabrielle. Vraiment?\\
~~~H\'el\`ene, (souriante et sinc\`ere.) Vraiment.\\
~~~Gabrielle. Je suis Mme Cotterel, Mme Georges Cotterel.\\
~~~H\'el\`ene, (dans un sursaut.) Ah!...\\
~~~Gabrielle. Je voulais vous laisser partir sans vous le dire. C'e\^ut \'et\'e plus facile, moins g\'enant pour vous et pour moi. Mais je viens d'avoir brusquement besoin que vous sachiez. D'abord j'avais trop mal jou\'e la com\'edie, m\^eme en inventant ce mal de t\^ete; et puis vous \'etiez expos\'ees \`a nous rencontrer ensemble, mon mari et moi. J'ai m\^eme eu, je vous l'avoue, le soup\c{c}on que cela vous \'etait d\'ej\`a arriv\'e.\\
~~~H\'el\`ene, (protestant.) Oh! Madame, si...\\
~~~Gabrielle. Mais non, je vois maintenant que vous ne saviez pas qui j'\'etais et que, si vous l'aviez su, vous ne m'auriez pas abord\'ee comme vous l'avez fait.\\
\\
abord\'ee~~~近づく\\
\\
~~~H\'el\`ene. Si je l'avais su, croyez, Madame, que cela ne m'aurait pas emp\^ech\'ee de vous tirer d'embarras en ramassant votre coussin.\\
\\
tirer qn d'embarras~~~・・・を困難から救う\\
\\
~~~Gabrielle. Vraiment. (Avec une pointe d'ironie.) Vos attentions n'en auraient \'et\'e que plus touchantes. En tout cas, il est heureux que vous ayez oubli\'e cette carte dans votre livre, sans quoi vous vous seriez trouv\'ee nez \`a nez avec mon mari. Je l'ai envoy\'e se promener sans qu'il sache pourquoi. Vous nous voyez, ici, tous les trois? Jolie situation!\\
~~~H\'el\`ene. Il est pr\'ef\'erable en effet, Madame, que vous nous ayez \'evit\'e cette rencontre, mais aurait-elle \'et\'e si grave? Je suppose que votre mari, en admettant qu'il m'e\^ut reconnue, se serait abstenu d'en rien montrer. De mon c\^ot\'e, j'aurais pris aussit\^ot cong\'e de vous, press\'e de courir \`a la poste. Vous n'auriez jamais su...\\
\\
abstenu~~~断つ、やめる\\
courir \`a la poste~~~courir la poste~~大急ぎで行く\\
\\
~~~Gabrielle, (l'interrompant.) Charmant! Je n'y aurais vu que du feu! Et vous vous seriez ensuite rencontr\'es seuls comme par hasard. Eh bien! je suis peut-\^etre stupide, mais je vous demande, Madame---et c'est au fond pour cela que je vous ai retenue, pr\'evenue---je vous demande de ne pas chercher \`a le voir, comme je le lui demanderais \`a lui-m\^eme s'il vous savait ici.\\
~~~H\'el\`ene, (songeuse.) Si je l'avais revue seul, apr\`es vingt ans, sans doute aurions-nous convers\'e quelques instants, comme d'anciens amis. Il aurait pris de mes nouvelles et moi, des siennes. Il m'aurait parl\'e de vous, de votre cure, et moi...\\
~~~Gabrielle. Quand d'anciens amants se retrouvent, seul \`a seul, je sais bien ce qu'ils peuvent se dire et sur quel ton!\\
~~~H\'el\`ene. Vous lisez beaucoup de romans, Madame, et vous ne pouvez ignorer que les propos sont fort diff\'erents selon que les amants se retrouvent au d\'ebut ou \`a la fin du livre. Or, vous savez bien que, pour M. Cotterel et moi, l'\'epilogue est depuis longtemps d\'epass\'e.\\
~~~Gabrielle. Oh! je sais! Je sais que je ne sais rien du tout! Enfin, je veux bien vous croire. Mais vous allez tout de m\^eme me promettre de ne pas le revoir.\\
~~~H\'el\`ene. Tr\`es volontiers.\\
~~~Gabrielle. Je peux vous para\^itre ridicule, mais je ne pourrais supporter la pens\'ee qu'un jour o\`u je serais l\`a, immobilis\'ee...\\
~~~H\'el\`ene, (l'interrompant doucement, mais avec un peu d'humour.) Madame, je vous en prie. Puisque je vous le promets.\\
~~~Gabrielle. Vous me devez bien cela; vous m'avez fait assez souffrir!\\
~~~H\'el\`ene. Oh! je ne savais pas courir un tel risque. Et j'ai \'et\'e fort malheureuse quand j'ai appris...\\
~~~Gabrielle, (l'interrompant.) ...Que j'avais trouv\'e certaine lettre?\\
~~~H\'el\`ene. Non, avant cela. Cette lettre, vous l'avez trouv\'ee \`a la fin d'une liaison qui ne dura pas longtemps, croyez-le.\\
~~~Gabrielle. Pas longtemps! Six mois apr\`es cette belle d\'ecouverte, six mois apr\`es que mon mari m'eut jur\'e de ne plus vous revoir, il allait passer quinze jours avec vous en Suisse.\\
~~~H\'el\`ene. Non, Madame.\\
~~~Gabrielle. Si, Madame! Une de mes meilleures amies vous a vus ensemble \`a Gen\`eve.\\
~~~H\'el\`ene, (soupirant.) Ah! il me faut bien vous dire que ce n'\'etait pas moi!\\
~~~Gabrielle. Allons donc!\\
~~~H\'el\`ene. Que ne puis-je vous laisser croire que c'\'etait moi! Me voici dans l'obligation de vous faire un peu de peine en vous demandant d'admettre que l'on a tr\`es bien pu voir votre mari avec une autre femme que moi.\\
~~~Gabrielle. Et pourquoi pas avec vous?\\
~~~H\'el\`ene. Il me faut donc vous l'expliquer, Madame. Sachez d'abord que j'ai souffert une premi\`ere fois, non pas quand j'ai appris que vous saviez, mais, je viens de vous le dire, bien avant cela: quand Georges m'a confess\'e qu'il \'etait mari\'e.\\
~~~Gabrielle. Il ne vous l'avait pas dit tout de suite, le monstre?\\
~~~H\'el\'ene. Oh! il n'a pas pu me le cacher bien longtemps. Mais c'\'etait d\'ej\`a trop tard.\\
~~~Gabrielle. Trop tard! Vous conviendrez qu'\`a ce moment-l\`a vous auriez d\^u me le rendre.\\
~~~H\'el\`ene. Ou vous l'enlever tout \`a fait, comme aurait d\^u faire Heathcliff, pour Maria, selon vous, dans le roman d'Emile Bront\"e.\\
~~~Gabrielle. Ah! ce n'est pas du tout la m\^eme chose!\\
~~~H\'el\`ene, (souriant.) Evidement, quand il s'agit de soi... Mais je n'ai pas eu \`a r\'esoudre le probl\`eme. Georges m'a quitt\'e.\\
~~~Gabrielle. Ah! pour me revenir.\\
~~~H\'el\`ene. Non... Vous savez bien, Madame, qu'il n'avait pas cess\'e de vous demeurer attach\'e, qu'il ne vous a jamais d\'elaiss\'ee. Il m'a quitt\'ee, moi, pour...\\
\\
d\'elaiss\'ee~~~見捨てる\\
\\
~~~Gabrielle. Pour ?...\\
~~~H\'el\`ene, (apr\`es avoir h\'esit\'e.) Oh! je peux bien vous le dire, c'est si loin. Il m'a quitt\'ee pour une autre, pour cette personne qu'il a emmen\'ee en Suisse et que j'ai un peu connue...\\
~~~Gabrielle. Par exemple!\\
~~~H\'el\`ene. Vous estimez peut-\^etre que je n'avais pas les m\^emes droits que vous \`a la souffrance. Mais j'ai souffert tout de m\^eme.\\
~~~Gabrielle. Il m'a bien affirm\'e, \`a ce moment-l\`a, qu'il ne s'agissait pas de vous, qu'il s'\'etait promen\'e, qu'il avait flirt\'e \`a Gen\`eve avec une jeune femme rencontr\'ee chez son h\^ote.\\
~~~H\'el\`ene. J'aurais d\^u me taire.\\
~~~Gabrielle, (avec \'eclat.) Mais je ne l'ai pas cru! Pour moi, c'\'etait vous. Il y avait un mois \`a peine que j'avais d\'ecouvert cette lettre de vous. Ah! une lettre...\\
~~~H\'el\`ene. C'\'etait d\'ej\`a du pass\'e.\\
~~~Gabrielle. Il me l'a dit. Mais il avait trop beau jeu de me mentir. La lettre ne portait pas de date... Elle \'etait sign\'ee H\'el\`ene. Cela m'a permis de trouver votre nom sur un de ses carnets: H\'el\`ene Beley. C'est tout. Pas d'adresse. (V\'eh\'emente.) Ah! je l'ai cherch\'ee, votre adresse! Et si j'avais pu la trouver, je vous prie de croire que vous auriez re\c{c}u ma visite!\\
~~~H\'el\`ene. Vous m'auriez trouv\'ee ulc\'er\'ee comme vous, jalouse comme vous, et de la m\^eme femme.\\
\\
ulc\'er\'ee~~~精神的に深く傷つける\\
\\
~~~Gabrielle. Jalouse de vous aussi et par surcro\^it, n'en doutez pas, jalouse de votre jalousie! Qui \'etait-elle, \textit{notre rivale}?\\
~~~H\'el\`ene. Peu importe, Madame. Il ne m'appartient pas plus de vous le dire aujourd'hui qu'il y a vingt ans.\\
~~~Gabrielle. Ainsi, cette autre liaison aurait dur\'e beaucoup plus que la v\^otre.\\
~~~H\'el\`ene, (charitable.) Je ne le pense pas... Mais non... J'ai rencontr\'e depuis votre mari...\\
~~~Gabrielle, (alert\'ee.) Ah!\\
~~~H\'el\`ene. Je lui ai confi\'e que j'\'etais heureuse, avec le meilleur des hommes, le plus digne d'\^etre aim\'e. Il m'a dit qu'il vous \'etait enti\`erement attach\'e.\\
~~~Gabrielle. A ce moment-l\`a. Mais qui sait s'il n'en a pas eu une troisi\`eme, une quatri\`eme!\\
~~~H\'el\`ene. Voyons, Madame, vous vous en seriez bien aper\c{c}u!\\
\\
s'apercevoir~~~気づく\\
\\
~~~Gabrielle. Et comment donc?\\
~~~H\'el\`ene. Vous avez, en somme, d\'ecouvert les deux premi\`eres, ou plus exactement ce qui les concernait: ma lettre et le voyage en Suisse; vous auriez certainement d\'ecouvert aussi les autre. Votre mari sait mal dessimuler tout ce qui peut l'agiter, le troubler, le trahir.\\
~~~Gabrielle. Ah! je vois que vous le connaissez.\\
~~~H\'el\`ene. On le conna\^it tr\`es vite. Il a, comme on dit, le coeur sur la main. C'est une qualit\'e qu'il faut lui reconna\^itre.\\
\\
reconna\^itre~~~認める、感謝する\\
\\
~~~Gabrielle. Oh! une qualit\'e! Dites plut\^ot qu'il est \'etourdi et maladroit. Tenez, quand nous allons chez des amis, j'ai beau lui recommander de ne pas dire ceci ou cela, de ne pas parler de telles gens ou de telle affaire, il ne sait pas tenir sa langue. Et je ne suis pas toujours \`a c\^ot\'e de lui pour le pincer discr\`etement.\\
~~~H\'el\`ene, (riant.) Vous voyez bien!\\
~~~Gabrielle. Ce que je vois bien, c'est qu'il m'a laiss\'e croire qu'il n'y avait jamais eu que vous. Et voil\`a que vous avez \'et\'e deux, au moins deux.\\
~~~H\'el\`ene. \c{C}'a \'et\'e beaucoup moins grave qu'une seule, du moins pour vous, Madame, croyez-moi.\\
~~~Gabrielle. Vous avez fait l'exp\'erience? Votre mari vous a tromp\'e?\\
~~~H\'el\`ene. Oh non! Madame, certainement pas. Nous nous adorions et j'ai \'et\'e tr\`es heureuse. Non. Je veux simplement dire que deux \'ecarts passagers ont beaucoup moins de cons\'equence qu'un attachement durable.\\
~~~Gabrielle. Ils en ont plus qu'un seul \'ecart! (Un temps.) C'est lui qui vous a quitt\'ee?\\
~~~H\'el\`ene. Oui... Fort loyalement, je dois le dire. Il m'a avou\'e que...\\
~~~Gabrielle, (l'interrompant.) En sorte qu'il ne vous a pas tromp\'ee, vous. Tandis que moi...\\
~~~H\'el\`ene. Voyons, Madame, on n'avoue qu'\`a celle ou \`a celui que l'on veut vraiment quitter. On n'a plus rien \`a m\'enager. Votre mari...\\
~~~Gabrielle. Vous prenez sa d\'efense.\\
~~~H\'el\`ene. Mais non, je veux seulement vous confirmer qu'il n'a jamais cess\'e de tenir \`a vous. Il a bien d\^u vous le dire et je suis s\^ure qu'au fond vous n'en avez jamais dout\'e, n'est-ce pas?\\
~~~Gabrielle. Je m'y suis efforc\'ee.\\
~~~H\'el\`ene, (apr\`es un silence.) Je suis bien navr\'ee que le hasard d'une rencontre ait ranim\'e en vous le souvenir de cette vieille histoire \`a laquelle vous et moi \'etions \`a cent lieues de penser il y a une heure.\\
~~~Gabrielle, (se raidissant et g\'emissant.) C'est bien vrai.\\
~~~H\'el\`ene. Vous souffrez! Votre rhumatisme?\\
~~~Gabrielle. Non, c'est une crampe, l\`a. (Elle d\'esigne sa jambe allong\'ee.) A\"ie!\\
\\
crampe~~~痙攣、こむら返り\\
\\
~~~H\'el\`ene. Il faut changer de position, vous mettre debout. (Elle l'aide.) L\`a! Pliez le genou, puis tendez le muscle, bien fort. Voil\`a! \c{C}a va mieux? Permettez! (Elle lui masse le mollet.) Voulez-vous faire quelques pas?\\
~~~Gabrielle, (poussant un soupir de soulagement.) Ouf! C'est pass\'e. Vous ne savez pas comme \c{c}a peut \^etre douloureux.\\
~~~H\'el\`ene. Si, je sais. Mon mari \'etait parfois r\'eveill\'e la nuit par des crampes qui le faisaient hurler. Et ce n'\'etait pas un douillet. L\`a! rasseyez-vos, Madame, en faisant porter le poids du corps sur l'autre c\^ot\'e, autant que possible, pour ne pas g\^ener la circulation. Votre pied \'etait sans doute un peu trop \'elev\'e sur cette chaise. Tenez, nous allons la coucher sur le c\^ot\'e.\\
\\
douillet~~~過敏な人、痛がり\\
\\
(Elle fait ce qu'elle dit, dispose le coussin et y place elle-m\^eme le pied de Gabrielle; \`a ce moment, Cotterel entre au fond et \`a gauche, sans \^etre vu des deux femmes. Il avance avec pr\'ecaution, jusqu'\`a un buisson situ\'e derri\`ere le banc, observe un instant la sc\`ene, puis se dissimule d\`es que le dialogue reprend.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 4\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Les m\^emes, Cotterel, cach\'e.) \\
~~~H\'el\`ene. Etes-vous bien?\\
~~~Gabrielle. Parfaitement bien. Le coussin se creuse entre les barreaux de la chaise; c'est une trouvaille, Madame, je suis confuse, vous m'avez...\\
\\
trouvaille~~~思いがけない発見、掘出し物\\
\\
~~~H\'el\`ene. Je vous en prie.\\
~~~Gabrielle. Savez-vous que vous allez me faire b\'enir la dr\^olesse du voyage en Suisse?\\
\\
b\'enir~~~祝福する\\
dr\^olesse~~~いかがわしい女\\
\\
~~~H\'el\`ene. Comment cela?\\
~~~Gabrielle, (enjou\'e.) Sans elle, comment mon mari aurait-il pu ne pas s'attacher \`a une personne telle que vous? J'imagine de quel d\'evouement, de quels soins vous pouviez, vous avez pu \^etre capable...\\
~~~H\'el\`ene. Oh! Madame, le d\'evouement peut \^etre l'humble serviteur de l'amour, mais jamais son ma\^itre. Quant \`a la dame de Gen\`eve, c'est plut\^ot moi qui pourrais la b\'enir et constater que sans elle...\\
~~~Gabrielle, (intrigu\'ee.) Sans elle?\\
~~~H\'el\`ene. Je n'aurais peut-\^etre jamais rencontr\'e mon mari.\\
~~~Gabriele. Ah oui!... Vous vous en seriez tenue au mien. Charmant!\\
~~~H\'el\`ene, (protestant.) Madame, je pense uniquement, en disant cela, que notre destin tient au plus fragile encha\^inement de circonstances.\\
~~~Gabrielle. Je pr\'ef\'ererais que mon mari n'e\^ut jou\'e aucun r\^ole dans cet encha\^inement. Sans doute auriez-vous aussi bien rencontr\'e celui que vous deviez \'epouser.\\
~~~H\'el\`ene. Non, Madame. Je peux bien vous le dire, tout cela est si loin. J'ai rencontr\'e pour la premi\`ere fois mon mari par le plus grand des hasards, chez des amis qui m'avaient invit\'ee pour me distraire. C'e\'etait peu de temps apr\`es...\\
~~~Gabrielle. Apr\`es l'entr\'ee en gr\^ace de la dame de Gen\`eve.\\
~~~H\'el\`ene. Si vous voulez.\\
~~~Gabrielle. Vous aviez de la peine?\\
~~~H\'el\`ene. Je... je ne voulais voir personne. J'avais d\'eclin\'e l'invitation de mes amis. Je m'y suis rendue n\'eanmoins assez tard, sur un coup de t\^ete, par besoin de m'\'evader enfin de moi-m\^eme.\\
~~~Gabrielle. Et ensuite vous avez voulu revoir l'homme charmant que vous aviez rencontr\'e l\`a.\\
~~~H\'el\`ene. Non, Madame. C'est lui qui m'a recherch\'ee, qui s'est fait conna\^itre, estimer. (Un temps.) Je peux dire qu'il m'a rendue pleinement heureuse. C'\'etait un homme admirable, \`a tout point de vue...\\
~~~Gabrielle, (piqu\'ee.) Et que vous avez jug\'e tr\`es sup\'erieur \`a Georges, n'est-ce pas?\\
~~~H\'el\`ene. Oh! Madame, il ne s'agit pas...\\
~~~Gabrielle, (l'interrpompant.) Georges n'est peut-\^etre pas "un homme admirable \`a tout point de vue", mais convenez que vous lui avez tout de m\^eme accord\'e quelque attrait. Et vous n'avez pas \'et\'e la seule.\\
~~~H\'el\`ene. Il ne s'agit pas de sup\'eriorit\'e, Madame. Je ne doute pas que votre Georges soit aussi un excellent mari.\\
~~~Gabrielle. Et vous dites cela sans ironie?\\
~~~H\'el\`ene. Mais oui, comme vous me le diriez vous-m\^eme si vous ne saviez pas qui je suis. N'est-pas que vous me le diriez? N'est-ce pas?\\
~~~Gabrielle, (apais\'ee.) C'est bien possible. Tenez, je l'\'ecrivais hier \`a une amie. Mais vous savez, sur ce chapitre, on se vante toujours un peu et...\\
~~~H\'el\`ene, (l'arr\^etant.) N'ajoutez rien. Je vais vous quitter sur cet aveu. Mais non sans vous adresser une pri\`ere...\\
(Movement dans les feuillages du buisson o\`u Cotterel appara\^it un instant, attentif.)\\
~~~Gabrielle, (tentant de se retourner.) Qui remue les branches? Il y a quelqu'un l\`a, derri\`ere?\\
~~~H\'el\`ene, (apr\`es avoir observ\'e le buisson o\`u plus rien ne bouge.) Non. Un oiseau, sans doute.\\
~~~Gabrielle. Je vous ai interrompue, excusez-moi. Vous disiez? Une pri\`ere?\\
~~~H\'el\`ene. Oui. Puis-je vous demander, Madame, de ne jamais faire \'etat aupr\`es de votre mari de ce que vous avez appris par moi, que je n'ai pu taire? Je n'ai que trop troubl\'e votre qui\'etude en r\'eveillant un p\'enible souvenir. Il serait navrant que...\\
\\
faire \'etat de~~~考慮する、を引用する\\
\\
~~~Gabrielle. Soyez plainement rassur\'ee. Je vous promets le secret sur la dame de Gen\`eve. Et vous pouvez bien penser que mon mari ne saura pas qui m'a pr\^et\'e cette revue, ce livre; au besoin, j'inventerai un nom. Mais, au fait, il vaut mieux que vous le repreniez, ce livre.\\
~~~H\'el\`ene. S'il vous est vraiment impossible de rien accepter de Mme veuve Aubier.\\
~~~Gabrielle. Je le garde! Je vous le ferai reporter dans une huitaine par le chasseur de l'h\^otel. Mais, dites-moi, il faut renouveler la promesse que vous m'avez faite de ne rien tenter pour rencontrer Georges et m\^eme de l'\'eviter si vous l'aperceviez. Je sais bien que cela n'aurait pas d'importance, mais quand m\^eme...\\
\\
reporter~~~戻す\\
chasseur~~~(ホテルの制服の)従業員\\
\\
~~~H\'el\`ene. Je vous le promets d'autant plus volontiers, Madame, que je ne voudrais pour rien au monde qu'il me v\^it. J'ai bien trop vieilli... Adieu, Madame.\\
~~~Gabrielle. Adieu... Oh! vous n'auriez pas \`a m'eviter si, par hasard, vous me rencontriez seule, \`a Paris. Je n'en \'eprouverais, il me semble, aucun malaise...\\
~~~H\'el\`ene. Vrai? Mais vous m'avez dit que vous \'etiez vantarde!\\
\\
vantarde~~~ほら吹き\\
\\
~~~Gabrielle, (riant.) C'est vrai. Sauvez-vous. Mon mari pourrait bien arriver.\\
(H\'el\`ene sort par la droite, apr\`es un petit salut de la t\^ete. Gabarielle la suit des yeux, prend et ouvre la revue sans la lire. Cotterel quitte sans buit le massif, sort \`a pas de loup vers la gauche et au fond. Il repara\^it peu apr\`es, au premier plan, en affectant l'allure d'un promeneur. En le voyant venir, Gabrielle s'est plong\'ee dans la revue.)\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Sc\`ene 5\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Cotterel, Gabrielle.)\\
~~~Cotterel. J'ai vu, de loin, que la place \'etait libre. Il y a longtemps que tu es seule?\\
~~~Gabrielle. Oui, assez...\\
~~~Gotterel, (s'asseyant.) Alors? Comment \c{c}a s'est-il pass\'e?\\
~~~Gabrielle. Oh! bien simplement. De toute \'evidence, elle ignorait qui j'\'etais.\\
~~~Cotterel. Et ce n'est pas toi qui allais lui apprendre!\\
~~~Gabreille. Ma foi, je t'avouerai qu'\`a un certain moment j'en ai eu la tentation.\\
~~~Cotterel. Mais tu m'avais jur\'e de n'en rien faire.\\
~~~Gabrielle. D'abord. Et puis c'e\^ut \'et\'e vraiment impossible d\'eplac\'e: cette femme, \`a propos de son s\'ejour ici, ne cessait de me parler de son mari qu'elle a perdu, qu'elle adorait; un homme admirable \`a tout point de vue, dit-elle, et auquel elle voue encore toutes ses pens\'ees. Tandis qu'elle \'evoquait ses longues ann\'ees de bonheur conjugal, je me demandais si elle se souvenait seulement de ton nom.\\
\\
d\'eplac\'e~~~脇道にそらす、はぐらかす\\
voue~~~vouer~~~誓う、捧げる\\
\'evoquait~~~思い出す\\
\\
~~~Cotterel. Il valait mieux ne pas mettre sa m\'emoire \`a l'\'epreuve... Tiens, tu as couch\'e la chaise. Ton pied est mieux comme \c{c}a?\\
~~~Gabrielle. Beaucoup mieux. C'est une id\'ee que j'ai eue et que j'ai mise \`a ex\'ecution avec l'assistance de ton... enfin de...\\
~~~Cotterel. De la Belette?\\
~~~Gabrielle. Non, je t'en prie, de Mme Aubier.\\
~~~Cotterel. A la bonne heure! Tu as vu clair. Tu as constat\'e qu'il n'y avait en elle absolument rien de cet animal pillard.\\
\\
pillard~~~略奪者\\
\\
~~~Gabrielle. Plus maintenant, du moins.\\
~~~Cotterel. Il n'y a jamais eu de belette...\\
~~~Gabrielle. Admettons, Georget. Je croirais m\^eme plut\^ot qu'il y a eu un furet.\\
\\
furet~~~フェレット(ケナガイタチの変種、うさぎ狩りに利用する)\\
\\
~~~Cotterel. Oh! tout au plus un papillon.\\
~~~Gabrielle. Furet ou papillon, tu vas me promettre une chose, Georget.\\
~~~Cotterel. Oui?\\
~~~Gabrielle. Tu vas me promettre de ne pas essayer de la revoir et m\^eme de l'\'eviter si tu l'apercevais sur la promenade...\\
~~~Cottrel. Oh! sois tranquille! Je n'ai aucune envie qu'elle me revoie. Elle me trouverait terriblement vieilli.\\
(Gabrielle \'eclate de rire.)\\
Qu'est-ce qui te fait rire?\\
~~~Gabrielle. C'est l'id\'ee d'un vieux papillon.\\
~~~Cotterel, (bourrant sa pipe.) Les papillon, \c{c}a ne vieillit pas... \c{C}a meurt dans la belle saison...\\
\\
bourrant~~~詰める\\
\\
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~(Rideau.)\\
}
\end{document}